1.1.2 Description générale
Un anneau de stockage est une structure magnétique circulaire dans laquelle on accumule un
faisceau intense de particules. Tout l’enjeu est de pouvoir conserver ce faisceau pendant plusieurs
heures voire dizaines d’heures. Pour que le faisceau conserve de bonnes propriétés (taille,
divergence, cohérence), un vide poussé doit exister dans l’anneau. Suivant le type de particules et
les caractéristiques de l’anneau de stockage, le faisceau sera utilisé soit pour réaliser des collisions
entre particules (e.g. le défunt anneau de collision LEP et le futur collisionneur LHC du CERN),
soit pour produire de la lumière (e.g. les sources de rayonnement synchrotron de Grenoble (ESRF),
de Berkeley (ALS), la future source de lumière de troisième génération SOLEIL (Saclay)). Dans le
premier cas, le domaine d’application est principalement la physique des hautes énergies (particules,
ions lourds) ; les sources de lumières sont, quant à elles, utilisées comme microscopes géants
aux propriétés inégalées dans les domaines de la recherche fondamentale et appliquée
(biologie, propriétés structurales et électroniques de la matière, environnement, applications
industrielles).
Plongeons à présent au cœur d’un anneau de
stockage :
- Un paquet d’électrons d’énergie nominale est injecté dans la chambre à vide de
l’accélérateur (cf. Fig. 1.1). Les électrons y circulent à une vitesse proche de celle
de la lumière. Un champ magnétique guide les particules tout au long de l’anneau
autour d’une orbite fermée de référence. Il focalise les particules et leur imprime un
mouvement quasi-périodique radial et vertical autour de cette orbite fermée. On parle
alors d’oscillations bétatrons.
- Dans le cadre d’une machine circulaire idéale, nous pouvons associer une fonction spécifique à
chaque type d’éléments magnétiques. Chacun des
dipôles courbe la trajectoire du
faisceau d’un angle
. Des quadripôles sont utilisés comme lentilles magnétiques pour
focaliser les particules. Ces deux principaux types d’éléments ainsi que la section droite
(absence de champ électromagnétique) définissent l’optique linéaire de l’anneau, en
référence à l’approximation paraxiale utilisée. L’agencement de ces éléments définit
la maille de l’accélérateur. Si l’anneau de stockage est constitué de
secteurs
identiques appelés super-périodes, alors il possède une symétrie interne qui permet
d’augmenter la stabilité globale de la dynamique (ce point sera abordé dans la
section 1.4).
- Durant chaque révolution, un électron perd une partie de son énergie sous forme de
rayonnement synchrotron. Afin de stocker les électrons pendant plusieurs heures, il est
nécessaire de compenser en moyenne cette perte d’énergie. C’est le rôle des cavités
radiofréquences qui accélèrent longitudinalement la particule qui les traverse.
- Cette accélération périodique a pour effet de regrouper les électrons en paquets. Dans chaque
paquet, les électrons oscillent en longitude et en énergie par rapport à une particule de
référence située au centre du paquet (cf. Fig. 1.2). Ces oscillations sont appelées oscillations
synchrotrons.
- La combinaison perte d’énergie par rayonnement synchrotron et apport d’énergie des cavités
RF induit un lent amortissement radiatif des amplitudes d’oscillation des particules : la
trajectoire de chaque électron tend vers celle d’une particule de référence située au centre du
paquet.
- L’amortissement des oscillations est arrêté par les fluctuations quantiques. Ce phénomène est
lié à la quantification du rayonnement émis par les électrons et a tendance à exciter
continûment les oscillations des particules : le faisceau atteint alors ses dimensions d’équilibre.
Les particules ont leurs phases et amplitudes d’oscillations distribuées suivant une loi de
Gauss transversalement et longitudinalement.
- Pour chaque degré de liberté, il existe une amplitude maximale d’oscillation au-delà de
laquelle le mouvement devient instable. Cette amplitude définit l’acceptance du faisceau.
L’amplitude limite peut être due à un élément physique qui arrête les électrons (e.g. les
parois de la chambre à vide) ou à un effet nonlinéaire du champ électromagnétique conduisant
à la divergence des trajectoires.
- Les électrons peuvent également être perdus suite à des diffusions sur les atomes du gaz
résiduel présent dans la chambre à vide ou en raison des fluctuations statistiques induites par
l’amortissement radiatif et l’excitation quantique.
- Pour être complet, il faut dire quelques mots sur les effets collectifs. Typiquement un
paquet est constitué d’un milliard d’électrons. Les électrons peuvent interagir entre
eux : lors de diffusions simples ou multiples, les électrons peuvent acquérir des
amplitudes d’oscillation plus grandes que l’acceptance du faisceau. Les électrons peuvent
également se mettre à osciller de manière cohérente ce qui, dans certains cas, conduit à
l’instabilité.
L’objectif de la section suivante est d’établir l’expression générale du Hamiltonien d’une
particule relativiste se déplaçant dans un champ électromagnétique. Nous pourrons alors en déduire
les équations du mouvement et discuter de la dynamique linéaire et nonlinéaire d’une particule
circulant dans un anneau de stockage.