5.1.1 Description du programme LOCO

Dans un anneau de stockage, la périodicité interne permet d’améliorer la dynamique du faisceau en limitant le nombre de résonances pouvant être excitées ; cependant la présence de défauts quadripolaires1 est une des causes principales de brisure de cette symétrie et entraîne souvent une détérioration de la durée de vie et du taux d’injection via l’excitation de nonlinéarités. Donc, lorsque l’on désire optimiser une machine, une connaissance précise des défauts magnétiques est nécessaire pour établir un modèle aussi réaliste que possible ; alors seulement, les calculs d’ouverture dynamique, de carte en fréquence prennent tout leur sens.

Le programme LOCO (Linear Optics from Closed Orbits) a été écrit par Safranek (1997) dans cette optique pour analyser la matrice-réponse du National Synchrotron Light Source de Brookhaven et en déduire les gradients des quadripôles, les défauts des éléments magnétiques (alignements, rotations des éléments). Tout le programme repose sur l’analyse de l’orbite fermée en approximation linéaire. Cette méthode2 a déjà eu de nombreuses applications — voir par exemple pour l’Advanced Light Source (Robin et al., 1996) et pour l’anneau VUV du National Synchrotron Source (Safranek et Kramer, 1997) —

Dans ce travail, on se propose d’appliquer LOCO à Super-ACO. Dans une première partie, la méthode de calcul de la matrice-réponse est rappelée. Puis l’utilisation du programme LOCO est présentée et testée sur un exemple simple. Enfin, l’expérience du 19 juin 2000 est dépouillée : trois matrices-réponse ont été acquises pour trois configurations distinctes : hexapôles éteints, hexapôles allumés, hexapôles allumés et onduleurs fermés.

Le principal objectif est d’établir le jeu de défauts des gradients pour chaque cas et de valider la méthode. En discussion, une application des résultats est proposée pour restaurer la symétrie de Super-ACO.

5.1.1.1 Perturbation de l’orbite fermée par un kick dipolaire

Soit un dipôle fin de longueur dl  , situé en s = s0   , donnant un angle ou impulsion (kick en anglais) θ0 =  ΔBdl
      (Bρ)   à une particule, avec (B ρ) = p0
        e  la rigidité magnétique et ΔBdl  le champ dipolaire intégré. Si juste avant l’impulsion, l’orbite fermée est (xof )
 x′of−θ , alors juste après l’impulsion, elle devient (xof)
 x′of . Trouver l’expression de l’orbite fermée x
 of  en s
 0   revient à résoudre la relation de fermeture :

  (    )    (        )
ℳ   xof   =     xof
    x′of       x′of − θ
(5.1)

ℳ est la matrice de transfert de l’anneau sur un tour. La solution, exprimée en fonction des paramètres de Twiss (α, β)  , du nombre d’ondes ν  , est alors :

{
  xof(s0) = 2β0siθn0πν cos πν
  x ′(s ) = --θ0--(sinπ ν − α cos πν)
    of  0    2 sinπν           0

Pour déduire l’expression de l’orbite fermée résultante en un endroit s = si  quelconque de l’anneau, il suffit de propager la solution trouvée en s = s0   en utilisant la fonction de Green, G(si,s0)  , de l’équation de Hill :

xof(si)  =  G∘(si,s0)θ0--
               β(si)β(s0)
         =   ------------cos(π ν − |ϕ (si) − ϕ(s0)|)θ0               (5.2)
               2 sin πν

5.1.1.2 Matrice-réponse

Pour un jeu de défauts dipolaires (θj, j = 1..n)  , en utilisant la linéarité de l’équation de Hill en la perturbation dipolaire, l’orbite fermée résultante est simplement la superposition des orbites fermées individuelles créées par une impulsion θ
  j  (cf. Eq. 5.2), soit :

             ∘ -----∑   ∘ ------
xof(si)  =  ---β(si)      β (sj) cos(πν − |ϕ(si) − ϕ(sj)|)θj
            2 sin πν   j
            ∑
         =      ℛij θj                                                (5.3)
              j
La matrice ℛ est appelée matrice-réponse linéaire de l’orbite fermée. Elle est constituée de n × p  éléments pour une machine comportant n  correcteurs dipolaires et p  BPM (Beam Position Monitors : stations de mesure de position).

En expérience et en simulation avec le programme MAD3 [50], la matrice-réponse est construite en allumant l’un après l’autre les n  correcteurs et en enregistrant dans chacun des p  BPM l’orbite fermée générée.

Expérimentalement, deux matrices sont construites : une pour des kicks d’angle +  θ
   2   et une autre pour des kicks d’angle − θ
  2   . En effet, il subsiste une orbite fermée résiduelle créée par les nonlinéarités des champs magnétiques. En calculant la différence de ces deux matrices, on élimine ainsi l’orbite fermée résiduelle et l’on obtient une matrice-réponse équivalente à un kick d’angle +θ .

Le choix de la valeur du kick dipolaire est guidé par les deux considérations suivantes : d’une part, une grande valeur de θ  permet d’augmenter le rapport signal sur bruit de la mesure et donc de réduire la barre d’erreur sur les valeurs de gradients trouvées par rapport au bruit aléatoire des BPM ; d’autre part, une faible valeur de θ  permet de s’affranchir des nonlinéarités mais aussi de rester dans une gamme de réponse linéaire de l’électronique. Une valeur intermédiaire doit donc être choisie : en pratique des kicks de valeur induisant une perturbation de l’orbite fermée de 1.1  mm rms (valeur optimale pour le NSLS X-Ray Ring à Brookhaven : 0.8   mm rms — Safranek, 1997 —).

Le programme LOCO utilise une méthode des moindres carrés pour minimiser le « χ2   » entre la matrice-réponse modèle, ℛmod  , et la matrice-réponse expérimentale, ℛexp  , en ajustant les gradients quadripolaires :

     ∑      mod     exp 2
χ2 =     (ℛ-i,j-−--ℛ-i,j )-
               σ2i
      i,j
(5.4)

où la sommation a lieu sur les BPM i  et les correcteurs j  , normalisée par le bruit des BPM σi  et en utilisant une méthode de décomposition en valeurs singulières (SVD [96]). Les autres paramètres pouvant être incorporés dans l’ajustement de la matrice-réponse non couplée sont les gains des correcteurs (    Cor
ΔG  m  ), les gains des BPM (   BP M
ΔG m  ) et le glissement de l’énergie ((ΔE  ∕E)m  ). Pour la matrice couplée, il faut ajouter la rotation des BPM et des correcteurs.

Minimiser le χ2   revient à minimiser la norme du vecteur V  dont les composantes sont définies par :

          mod     exp
Vk(i,j) = ℛ i,j  − ℛ i,j
(5.5)

où l’indice k  varie de 1  à n × p  . Alors en approximation linéaire, on obtient4  :

        -dVk-         -dVk--   Cor   --dVk---   BP M    ---dVk-----
Vk(i,j)  =  dKm  ΔKm   +  dGCor ΔG m   + dGBP  M ΔG m    +  d(ΔE ∕E )m Δ (ΔE ∕E )m
                         m              m
     =  -dVk-ΔKm   + ℛmoid,j ΔGCorm  −  ℛmoi,dj ΔGBPm  M +  ηjxΔ (ΔE  ∕E )m              (5.6)
        dKm
La valeur escomptée du χ2   est le nombre de degrés de liberté, soit (nd − np )  avec un écart type   ∘ -----------
σ=   2(nd − np)  avec nd  le nombre de données (taille du vecteur V  ) et np  le nombre de paramètres ajustés (cf. Modeling of Data, chap. 15 in Numerical Recipes, 1992).