Chapitre 1
Dynamique d’un accélérateur circulaire

1.1 Présentation

1.1.1 Introduction

Ce chapitre a pour objectif de définir les notions de base de physique des accélérateurs circulaires. Cet exposé est loin d’être exhaustif ; le lecteur pourra se référer à des ouvrages classiques, par exemple (Wiedemann, 1993) et (Lee, 1998) pour une introduction complète sur la physique des accélérateurs ainsi que le Handbook of Accelerator Physics and Engineering édité par Chao et Tigner (1998) rassemblant les principales formules de bases et surtout de nombreuses références précieuses et utiles. La lecture des articles et ouvrages de référence de Courant et Snyder (1958), Bruck (1966) et Sands (1970) ont également guidé l’écriture de ce chapitre.

Après une introduction qualitative aux principaux phénomènes mis en jeu pour stocker un faisceau de particules, je définirai de manière rigoureuse l’expression du Hamiltonien la plus générale pour un accélérateur de particules. Cette formulation sera utile pour aborder le second chapitre où est construit un intégrateur des équations du mouvement (section 1.2). Je rappellerai ensuite succinctement les résultats principaux en approximation linéaire (section 1.3.1). Enfin, je discuterai de quelques grandeurs fondamentales utilisées pour définir les performances d’une source de lumière (section 1.4).

1.1.2 Description générale

Un anneau de stockage est une structure magnétique circulaire dans laquelle on accumule un faisceau intense de particules. Tout l’enjeu est de pouvoir conserver ce faisceau pendant plusieurs heures voire dizaines d’heures. Pour que le faisceau conserve de bonnes propriétés (taille, divergence, cohérence), un vide poussé doit exister dans l’anneau. Suivant le type de particules et les caractéristiques de l’anneau de stockage, le faisceau sera utilisé soit pour réaliser des collisions entre particules (e.g. le défunt anneau de collision LEP et le futur collisionneur LHC du CERN), soit pour produire de la lumière (e.g. les sources de rayonnement synchrotron de Grenoble (ESRF), de Berkeley (ALS), la future source de lumière de troisième génération SOLEIL (Saclay)). Dans le premier cas, le domaine d’application est principalement la physique des hautes énergies (particules, ions lourds) ; les sources de lumières sont, quant à elles, utilisées comme microscopes géants aux propriétés inégalées dans les domaines de la recherche fondamentale et appliquée (biologie, propriétés structurales et électroniques de la matière, environnement, applications industrielles).

Plongeons à présent au cœur d’un anneau de stockage1 :

L’objectif de la section suivante est d’établir l’expression générale du Hamiltonien d’une particule relativiste se déplaçant dans un champ électromagnétique. Nous pourrons alors en déduire les équations du mouvement et discuter de la dynamique linéaire et nonlinéaire d’une particule circulant dans un anneau de stockage.

1.2 Formulation hamiltonienne

Pour établir les équations du mouvement d’une particule circulant dans un accélérateur, nous partirons du principe de moindre action. Nous commencerons par établir l’expression du Lagrangien d’une particule libre relativiste de masse m  , puis nous plongerons la particule de charge e  dans un champ électromagnétique (section 1.2.1). Nous en déduirons l’expression générale du Hamiltonien relativiste que nous exprimerons en coordonnées de l’accélérateur (section 1.2.2). A chaque étape, nous définirons avec précision l’ensemble des hypothèses réalisées et l’expression générale du champ magnétique (section 1.2.3).

1.2.1 Lagrangien relativiste

Soit 𝒜 l’intégrale d’action pour une particule libre relativiste, m  sa masse, q = (x,y,z )  son vecteur position et q˙=  v  son vecteur vitesse. Par application du principe de relativité, l’action doit être indépendante du choix du référentiel d’inertie, soit un invariant de Lorentz : l’intégrale d’action 𝒜 est donc un scalaire. De plus, il ne doit figurer que des différentielles du premier degré sous le signe d’intégration (cf. Landau et Lifchitz, Physique théorique : Théorie des Champs, chap. I et II). La seule solution pour une particule libre est alors l’intervalle relativiste ds  à une constante de proportionnalité près, notée α .

Si l’intégrale est prise sur une ligne d’univers s’étendant entre deux événements a  et b  qui sont les positions initiale et finale de la particule aux instants respectifs t
 1   et t
 2   , alors l’action 𝒜 s’écrit :

        ∫ b
𝒜 =  − α    ds
         a
(1.1)

Or l’intervalle relativiste ds  est donné par la métrique de Minkowski :

                                       ∘ -------
  2    2  2     2     2     2                v2-
ds  = c dt −  dx  − dy  − dz  ⇒  ds = c  1 − c2 dt
(1.2)

c est la vitesse de la lumière ; donc l’action 1.1 peut se réécrire :

             ∘  -------
         ∫ t2       v2
𝒜 =  − αc       1 − -2 dt
          t1        c
(1.3)

Par définition du Lagrangien (ℒ ), l’action est également définie par la relation (cf. Landau et Lifchitz, Physique théorique : Mécanique, chap. I) :

      ∫ t2
𝒜  de=´f     ℒ dt
       t1
(1.4)

On déduit des équations 1.3 et 1.4 l’expression du Lagrangien :

              ∘  -----2-
ℒ (q, ˙q) = − αc  1 − v--    avec    v =  ˙q
                     c2
(1.5)

La constante α  est déterminée en passant à la limite c →  +∞ qui doit redonner l’énergie cinétique classique pour une particule libre ; en effectuant un développement limité à l’ordre un de l’expression 1.5, on obtient :

                                     1  v2      v4              1
ℒ (q,q˙) −−−−→ ℒclassique ⇐ ⇒  − αc + --α---+ 𝒪 (-3-) = [− mc2 ] +-mv2
         c→+ ∞                        2   c      c               2
(1.6)

d’où α=mc  . Le terme entre crochets est constant donc il n’intervient pas dans les équations du mouvement : il correspond à l’énergie de masse de la particule.

Le Lagrangien d’une particule libre relativiste de masse m  s’exprime finalement par :

                   ∘ ------2
ℒlibre(q,q˙) = − mc2  1 −  v--
                          c2
(1.7)

Pour une particule relativiste de charge e  en mouvement dans un champ électromagnétique, le Lagrangien total comporte un terme supplémentaire (ℒinter  ) caractérisant l’interaction de la particule avec le champ électromagnétique (ϕ, A )  (voir Landau et Lifchitz, Théorie des Champs, chap. III) :

                               ∘  -----2-
ℒ(q, ˙q) = ℒlibre + ℒinter = − mc2  1 − v--+ eA (q) ⋅ v − eϕ(q)
                                      c2
(1.8)

avec A  le potentiel vecteur et ϕ  le potentiel scalaire solutions des équations de Maxwell.

1.2.2 Hamiltonien relativiste

1.2.2.1 Moments canoniques

Par définition, les moments canoniques p =  (p  ,p ,p )
       x  y  z  s’obtiennent à partir du Lagrangien :

   d´ef ∂ℒ
pk =  ----  avec  (p1,q1) = (px,x), (p2,q2) = (py,y) et (p3,q3) = (pz,z)
      ∂q˙k
(1.9)

soit en utilisant l’expression 1.8 et le facteur de Lorentz γ = ∘--1---
      1− vc22    :

p = γmv  + eA
(1.10)

Le Hamiltonien autonome ℋ est obtenu à partir de la fonction de Lagrange 1.8 (voir Landau et Lifchitz, Mécanique, chap. VII) :

(q,p) d´ef
 = k˙qk∂ℒ--
∂q˙k −ℒ(q,˙q)
= γmv2 + eA v (   −1   2                 )
 − γ  mc  +  eA ⋅ v − eϕ(q)
= γmc2 + (q) (1.11)
En introduisant l’impulsion mécanique π = p − eA  , on établit à partir des équations 1.10 et 1.11 la relation :

                                                      (      2)
(ℋ − eϕ (q))2 − π2c2 =   γ2m2c4  − γ2m2v2c2 =  γ2m2c4   1 − v--
                                                            c2
                           2 4
                     =   m  c                                           (1.12)
L’expression du Hamiltonien 1.11 devient en utilisant la relation 1.12 :
|-------------------------------------------|
|           ∘  ------------2--------        |
|ℋ (q,p) = c   (p −  eA (q)) + m2c2  + eϕ(q) |
--------------------------------------------
(1.13)

Les équations du mouvement sont les équations dites de Hamilton ou canoniques :

dqk    ∂ℋ     dpk     ∂ℋ
dt--= ∂p--,   dt--= − ∂q--,  k = 1,...,3
         k              k
(1.14)

avec la relation supplémentaire si le Hamiltonien dépend explicitement du temps t   :

dℋ     ∂ℋ
----=  ----
 dt    ∂t
(1.15)

Les variables (q,p)  sont appelées variables canoniques. Pour une description du formalisme Hamiltonien, le lecteur pourra se reporter par exemple au chapitre VII du tome de Mécanique de Landau et Lifchitz.

1.2.2.2 Définition des coordonnées de l’accélérateur

Pour la suite de l’exposé, il est utile d’obtenir une expression du Hamiltonien pour les jeux de coordonnées cartésiennes et curvilignes. L’obtention générale du Hamiltonien va être présentée en coordonnées curvilignes dont les coordonnées cartésiennes ne sont qu’un cas particulier (la courbure et la torsion sont nulles, cf. infra).

Les coordonnées curvilignes, notées (X, Y,s)  , sont définies par rapport au repère de Serret-Frenet direct (n,b, t)   ; une particule de coordonnées transverses X  et Y  est repérée par son vecteur position r  par rapport à l’orbite de référence r
 0   (voir Fig. 1.3) :

r(X,Y,s) = r0(s) + Xn(s) + Y b(s) (1.16)
= xi + yj + zk

PICT PICT


FIG. 1.3: Repère de Serret-Frenet (n,b, t)  . Définition des coordonnées curvilignes (X,Y,s)  utilisées pour écrire les équations du mouvement d’une particule autour de la trajectoire de référence.


Les vecteurs orthonormés (n, b,t)  sont respectivement les vecteurs tangent, normal et binormal définis par :

(
||| t  d´e=f dr0(s)
{    d´ef ds----1----d2-
  n   = − || d2r0(s)||ds2 r0(s)
|||(    d´ef    ds2
  b   = t × n
(1.17)

h(s)  et τ(s)  décrivent la courbure et la torsion locales de la trajectoire à la longitude s  :

(                  2
{ h(s)  = ρ(1s) = ||ddr0s(2s)||
            1     ( d      d2       d3     )
( τ(s)  = h2(s)det  dsr0(s),ds2r0(s), ds3r0(s)

Je rappelle les formules de Frenet :

   (  n )    (    0     − τ(s)  h(s) ) (  n )
d--(    )    (                       ) (    )
ds    b    =     τ(s)     0      0        b
      t         − h(s)    0      0        t
(1.18)

On recherche une transformation canonique entre les anciennes variables notées (q,p)=(x,y,z,px,py,pz)  et les nouvelles variables (𝒬, 𝒫 ) = (X, Y,s,𝒫X ,𝒫Y  ,𝒫s)  . Pour cela, on construit une fonction génératrice dépendant des anciens moments et des nouvelles positions, F(p, 𝒬 )  . Les changements de variables sont alors définis implicitement par :

q d´ef
 =  ∂
---
∂pF(p,𝒬) (1.19a)
𝒫 d´ef
 = -∂--
∂𝒬F(p,𝒬) (1.19b)
L’équation 1.19a s’intègre simplement en utilisant la relation 1.16.
F(p, 𝒬 ) = − p ⋅ r(𝒬 ) + Γ (𝒬 ).
(1.20)

Par convention la fonction Γ (𝒬 )  est choisie nulle. L’équation 1.19b définit les nouveaux moments recherchés :

(
|              d´ef
|{ 𝒫X   =  p ⋅ n = PX
  𝒫Y   =  p ⋅ b d=´efPY
||(                                       d´ef
  𝒫S   =  p ⋅ ((1 + hX )t + X τ n − Y τb) = (1 + hX )Ps + X τPX − Y τPY

avec (PX,PY ,Ps)  les projections usuelles de l’impulsion sur la base (t,n, b)  . On note également que les coordonnées du potentiel vecteur A  se transforment comme celles du moment p  (cf. équation 1.10).

Dans la suite, on fait l’hypothèse que la trajectoire de référence est plane, i.e. que la torsion τ(s)  est nulle2. En remarquant que la base de Serret-Frenet est orthonormée, le nouveau Hamiltonien s’écrit en utilisant l’expression 1.13 :

(X,Y,s,𝒫X,𝒫Y ,𝒫s) = (q(𝒬,𝒫), p(𝒬,𝒫))
= c┌│ -----------------------------------------(-----------)2-
│         (          )2    (          )2     𝒫s −  e𝒜s
∘ m2c2 +   𝒫X  − e𝒜X    +   𝒫Y  − e𝒜Y    +   ----------
                                              1 + hX + (𝒬) (1.21)
L’expression 1.21 va être réécrite sous une forme plus standard pour la physique des accélérateurs au moyen de trois transformations canoniques (cf. Dragt et Forest, 1986).
1.2.2.3 Changement de variable indépendante

Dans un accélérateur, il est plus commode d’exprimer la trajectoire d’une particule en fonction de la coordonnée longitudinale prise comme variable indépendante à la place du temps t  (z  en coordonnées rectangulaires ou s  en coordonnées curvilignes).

Comme nouveau Hamiltonien3, on choisit ℋ˜(X, Y,t,𝒫X  ,𝒫Y ,𝒫t;s) = − 𝒫s  en notant 𝒫t = − ℋ  :

˜ℋ(X, Y,t,𝒫X,𝒫Y ,𝒫t) = (1 + hX)┌│ (------------)-------------------------------------------
│   𝒫t +  eϕ(e)  2          (           )2   (           )2
∘   -----------   −  m2c2 −   𝒫X −  e𝒜X    −   𝒫Y −  e𝒜Y
         c
e𝒜s (1.22)
On vérifie a posteriori que ℋ˜ conjugue les couples de variables (X, 𝒫  )
      x  , (Y,𝒫  )
     y  et (t,𝒫t)  :
d𝒫td´ef
= d= k=12( ∂ℋ         ∂ ℋ     )
  ----d𝒬k +  ----d𝒫k
  ∂𝒬k        ∂𝒫k∂ℋ
----
∂sds ∂ℋ
----
∂𝒫sd𝒫s ∂ℋ
----
∂tdt
⇒−d𝒫sd´ef
 =dℋ˜ = k=12[                                                ]
  ( ∂ℋ  ) ( ∂ℋ  ) −1       ( ∂ ℋ ) ( ∂ ℋ ) −1
   -----    ----    d𝒬k  +   -----   ----     d𝒫k
   ∂ 𝒬k     ∂𝒫s              ∂𝒫k     ∂𝒫s
+ ( ∂ℋ )
  ----
  ∂t( ∂ℋ  )
  ----
  ∂𝒫s1dt + ( ∂ ℋ )
  ----
  ∂𝒫s1d𝒫 t (1.23)
par identification en utilisant les équations 1.14, on obtient les nouvelles équations de Hamilton :
(   ˜    (    )(    ) −1
{ ∂∂𝒫ℋ-=   ∂∂𝒫ℋ-   ∂∂ℋ𝒫-    =  d𝒬dks-
    ˜k   (   k) (  s) −1
( ∂∂𝒬ℋ-=   ∂∂𝒬ℋ-   ∂∂ℋ𝒫s     = − d𝒫dsk
     k       k pour k = 1, 2 (1.24)
et
(        (   ) −1
{ -∂ ˜ℋ =  ∂ℋ-     = dt
  ∂𝒫t   ( ∂𝒫s)(    )−ds1
( ∂ℋ∂˜t =  ∂ℋ∂t   ∂ℋ-    =  − d𝒫dts-
               ∂𝒫s (1.25)

La variable t  est physiquement reliée à la notion de temps de vol et son moment canonique 𝒫
  t  est l’opposé de l’énergie totale de la particule. Pour la suite des calculs, on suppose que le potentiel électrique ϕ est nul4.

En faisant l’hypothèse que le potentiel vecteur est nul le long de l’axe optique, i.e. A (0, 0,s) = 0  , on constate l’existence de la trajectoire particulière : (X,Y, 𝒫  ,𝒫 ,𝒫  ) = (0,0,0,0,p )
        x  y   s              0  , que l’on appelle trajectoire de référence.

1.2.2.4 Changement d’échelle

La seconde transformation revient simplement à introduire un facteur d’échelle dans les variables :

(
|{ ¯x  =  X
  ¯y  =  Y
|(
  ¯t  =  − ct (|        𝒫X-
|{ ¯px  =  p0
  ¯py  =  𝒫Y-
||(        p0𝒫
  ¯pt  = − p0tc (1.26)

Pour conserver la nature hamiltonienne des équations, le nouveau Hamiltonien est simplement ¯ℋ=˜ℋp
0   , soit :

                              ∘ -------2-2-----------------------------
¯ℋ(¯x, ¯y,¯t, ¯px, ¯py, ¯pt) = − (1 + h ¯x) ¯p2 − m-c − (¯px − e ¯Ax )2 − (p¯y − eA¯y )2 − e ¯As
                                 t    p20
(1.27)

avec    𝒜k
¯Ak=  p0-   . Le long de la trajectoire de référence, on a alors :

{                ∘ -22---24-
  ¯pt   d´e=f ¯p0t = −   p0c+2m2-c-=  1β-                v0
  -d¯t     ∂ℋ¯      0   p0c1-     0      avec  β0 = --
  ds   = ∂¯pt = − ¯pt = − β0                        c
(1.28)

1.2.2.5 Expression finale du Hamiltonien à trois degrés de liberté

Usuellement, on préfère définir le mouvement d’une particule par rapport à une trajectoire de référence nulle, ce qui nous conduit à faire le dernier changement de variables dépendant de s  (d’après Eq. 1.28) :

(
|  ˆx  = x¯                  (
|||{                           |{ ˆpx  =  ¯px
   ˆy  = y¯
|  ˆt  = ¯t + s−s0     et     | ˆpy  =  ¯py
|||(            β0             ( ˆpt  =  ¯pt − β1
                                          0
(1.29)

Ce changement de variables dépend explicitement de s  . Si F  est une fonction génératrice, le nouveau Hamiltonien sera donné par :          ∂F
ˆℋ =  ¯ℋ + -∂s  . Nous construisons la fonction génératrice dépendant des anciennes positions et des nouveaux moments F (¯t, ¯x, ¯y,pˆt, ˆpx, ˆpy;s) = F (¯q,ˆp; s)  (Dragt et Forest, 1986) :

¯p = ∂F--
∂ ¯q (=1.2⇒9) F(¯q,ˆp; s) = ¯xˆp x + ¯y ˆp y + ¯t (pˆ t + -1-
β0) + G(ˆp,s) (1.30)
ˆq = ∂F
----
∂ ˆp (1.29)
= ⇒ F(¯q,ˆp; s) = ¯xˆp x + ¯y ˆp y + ¯t (pˆ t +  1
---
β0) + s − s0
------
  β0ˆp t + K(s) (1.31)
La fonction K (s)  est a priori une fonction quelconque. Pour permettre des comparaisons avec la littérature, elle est choisie telle que :
                                        s-−-s0       1--
F (¯t, ¯x, ¯y, ˆpt, ˆpx, ˆpy;z) = ¯xpˆx + ¯ypˆy + (¯t + β )(ˆpt + β )
                                           0          0
(1.32)

On en déduit l’expression du nouveau Hamiltonien ˆℋ  :

         ∘  (--------)2-----------(---------)----(---------)--
ˆ             1--         --1--           ˆ  2           ˆ  2    ˆ    -1- 1--
ℋ=−(1 + hˆx )    β0 + ˆpt   − γ20β20 −  ˆpx − eAx   −   ˆpy − eAy   −  eAs + β0 (β0 + ˆpt)
(1.33)

en remarquant l’identité :  2 2
mp2c-=  γ12β2-
 0      00   .

1.2.2.6 Approximations

Dans le cas ultra-relativiste, le Hamiltonien 1.33 se simplifie encore5 puisque β0 →  1  et γ0 →  +∞ . Pour alléger l’écriture, les variables « perdent leur chapeau » (si aucune confusion n’est possible) et on pose l = ˆt et δ = pˆt   :

              ∘  --------------------------------------
                       2   (       ˆ )2   (       ˆ )2     ˆ
ℋ =  − (1 + hx ) (1 + δ) −   px − eAx   −   py − e Ay  − eAs +  1 + δ
(1.34)

Interprétons physiquement les nouvelles variables l  et δ   :

Lorsqu’on ne s’intéresse pas au cas du solénoïde, le potentiel vecteur n’a qu’une seule composante non nulle  ˆ
As (x, y)  qui ne dépend que des coordonnées transverses :

|-----------------------------------∘---------------------------------------|
|ℋ (x,y,l,px,py,δ;s) = − (1 + h(s)x)  (1 + δ)2 − (px)2 − (py)2 − e ˆAs + δ + 1
----------------------------------------------------------------------------|
(1.35)

Pour la suite du travail, on a le choix entre conserver cette expression avec la racine carrée et effectuer un développement limité. Dans ce dernier cas, le Hamiltonien se réduit à :

= (1 + hx)(1 + δ)(1 ----1----
2(1 + δ)2(px2 + p y2)) e s + δ + 1
= (1 + hx)p2 + p2
-x----y-
2(1 + δ) (1 + hx)(1 + δ) eÂs + δ + 1
soit finalement :
|--------------2----2-------------------------|
|ℋ = (1 + hx ) px-+-py-− hx(1 + δ) − e ˆA (x,y )
|             2(1 + δ)                 s      |
-----------------------------------------------
(1.36)

Cette dernière expression sera utilisée pour déduire la dynamique linéaire. Pour l’instant, il ne reste plus qu’à déterminer l’expression du potentiel vecteur.

1.2.3 Potentiel vecteur

L’expression la plus générale du potentiel vecteur est calculée en partant des équations de Maxwell exprimées dans le vide et pour un champ électromagnétique statique en coordonnées curvilignes (Lee, 1998) :

∇ × B = 0, ∇⋅ B = 0 (1.37)
⇐⇒( -1--∂Bx-   -h--     ∂Bs
|{ 1+hx ∂s −  1+hx Bs −  ∂x = 0
  ∂Bs − --1-∂By-=  0
|( ∂∂yBy-  1∂+Bhxx ∂s
  ∂x  −  ∂y = 0 , ∂B
---x-
 ∂x + ∂B
---y
 ∂y +    1
-------
1 + hx∂B
---s
 ∂s +    h
-------
1 + hxBx = 0 (1.38)
La divergence nulle (Eq. 1.37) implique l’existence d’un potentiel vecteur A  vérifiant, à une condition de jauge près : B  = ∇  × A  .


pict


FIG. 1.4: Plan d’antisymétrie pour un dipôle, un quadripôle et un hexapôle droits.


En prenant l’hypothèse que le plan y =  0  est un plan d’antisymétrie pour le champ magnétique (cf. symétrie des aimants, Fig. 1.4), alors :

Bx (− y) = − Bx (y), By (− y) = By(y),  Bs (− y) = − Bs (y)
(1.39)

Le champ magnétique peut alors être développé en série des variables transverses sous la forme (Voir Steffen, 1985 et pour une représentation plus complète, Papaphilippou et al., 2001) :

(       ∑
|{ Bx  =    ∞i,k=0 ai,k(s)xiy2k+1  impair en y
        ∑  ∞          i 2k
|( By  = ∑ ∞i,k=0 bi,k(s)x y      pair en y
  Bs  =   i,k=0 ci,k(s)xiy2k+1   impair en y
(1.40)

où les coefficients ai,k  , bi,k  , ci,k  des fonctions de s  à déterminer.

En injectant les solutions 1.40 dans les équations de Maxwell 1.38, on obtient les formules de récurrence (Steffen, 1985) :

( a′   =  (i + 1)[c +  hc    ]
|||{  i,k             i,k     i− 1,k
  ai,k  =  2i+k1+1bi+1,k
| b′   =  (2k + 1)[c   + hc    ]
||(  i′,k              i,k     i−1,k
  ci,k  =  − 2(k + 1)[bi,k+1 + hbi−1,k+1] − (i + 1)[ai+1,k + hai,k]
(1.41)

avec la dérivée par rapport à s  notée ′ et par convention d’écriture un coefficient ayant un de ses indices négatif est nul.

Si le champ magnétique By  est mesuré en tant que fonction des coordonnées x,s  dans le plan d’antisymétrie sous la forme :

             ∑∞
By (y = 0) =     Bk,0(s)xk
             k=0
(1.42)

alors bk,0=  Bk,0   (cf. Eq. 1.40) et en utilisant les relations de récurrence 1.41, on déduit, après quelques lignes de calcul, l’expression générale du champ magnétique (Lee, 1998) :

(
||Bx =   B1,{0y + 2B2,0xy + 3B3,0x2y−                                 }
||||       1                            hB1,0-  B0′′,0   1   ′′        ′  ′   3
|||       3  3B3,0 + 2hB2,0 − h(B2,0 +   2′′+  2  ) + 2 [B 1,0 − (hB 0,0)] y +  ...
|{By =   B0,0 + B1,0x + B2,0x2 − (B2,0 + B0,0-+ hB1,0)y2 + B3,0x3−
        {                          hB1,02  B′′0,0 2  1               }
|||        3B3,0 + 2hB2,0 − h (B2,0 + --2--+  -2-) + 2[B ′1′,0 − (hB ′0,0)′] xy2 + ...
|||         ′     (  ′       ′ )        ′       ′     2  ′   2
||||Bs =   B 0,0(y +  B1,0 −′hB 0,0′′′x)y + (B 2,0 − hB 1,0 + h B 0,0)x y
(       − 13  B2′,0 + hB21,0+  B12,0- y3 + ...
(1.43)

Lorsque h →  0  (élément rectangulaire), le champ magnétique peut s’écrire à partir de l’expression 1.43 en représentation complexe :

            ∑∞                  B ′′0,0     B ′1′,0
By +  jBx =     Bn,0(x + jy)n − ----y2 + ----(x + jy )2y2 + ...
             n=0                   2        2
(1.44)

avec 2
j= − 1  .

Pour simplifier les calculs, les coefficients Bn,0   sont souvent pris constants, donc l’équation 1.44 se simplifie encore (Lee, 1998) :

             ∞
            ∑              n
By + jBx =     Bn,0(x + jy )
            n=0
(1.45)

par convention, on pose Bn,0 = B0 (bn + jan)  avec B0   choisi tel que b0 = 1  et avec   (B-ρ)-
B0b0=−  ρ  (B ρ)  est la rigidité magnétique. Cette représentation complexe du champ magnétique est souvent appelée représentation de Beth.

A ce stade, il existe deux conventions : la sommation de l’équation 1.45 commence à 0 aux Etats-Unis et à 1 en Europe. Dans la suite, je prendrai la convention européenne, donc l’équation 1.45 devient :

By + jBx = B0 n=1(b n + jan)(x + jy)n1 (1.46)
avec
bn =   1
B--n!
  0       |
∂nBy  |
-∂xn--||x=y=0 et an =  1
B-n!-
 0      |
∂nBx  |
-∂yn--||x=y=0 (1.47)
Les coefficients multipolaires bn  et an  décrivent respectivement les 2n  -pôles parfaits droits et tournés.

Le potentiel vecteur (avec A  = A   = 0
 x     y  ) est lié au champ magnétique par l’équation, B=∇×A  , soit exprimée en coordonnées curvilignes :

          1   ∂A              1   ∂A
Bx = − ----------s,   By = ----------s
       1 + hx  ∂y          1 + hx  ∂x
(1.48)

En coordonnées rectangulaires (h = 0  ), la formule 1.48 s’intègre immédiatement en utilisant l’expression 1.46 pour donner :

                 (∑∞                    )
Az (x,y) = B0Re       bn-+-jan-(x + jy)n
                   n=1    n
(1.49)

Re désigne la partie réelle. Deux types de représentations nous intéressent :

Représention curviligne : En coordonnées curvilignes, le potentiel vecteur A  ne peut pas s’exprimer de manière aussi simple qu’en coordonnées rectangulaires (cf. Eq. 1.49). La solution s’exprime sous forme d’une série infinie qu’il faut tronquer à l’ordre n  (voir par exemple la thèse de Fartoukh, 1997). Cette description est adaptée aux éléments type dipôle de rayon de courbure ρ
c .

             (      x2 )
As(x,y ) = B0  x + ----
                   2ρc
(1.50)

L’expression qui nous intéresse est celle de − eAˆ
     s  exprimée pour le Hamiltonien 1.36 ; en utilisant la rigidité magnétique (B ρ) = e∕p = − B0 ∕h  , on obtient :

|---------------(-------2)--|
|− e ˆA (x,y ) = h x + -x--  |
|    s                2ρc   |
----------------------------
(1.51)

Représentation rectangulaire : Ce cas est particulièrement adapté à la description des éléments sans courbure, i.e. les quadripôles, les hexapôles et les éléments multipolaires. Pour le quadripôle droit et l’hexapôle droit la formule 1.49 donne respectivement :

              b2  2    2                     b3-  3      2
As (x,y) = B0 2 (x −  y )  et  As (x, y) = B0 3 (x  − 3xy  )
(1.52)

soit pour − eAˆs   :

|-------------------------|     |---------------------------|
|             b2  2    2  |     |             b3   3      2 |
− eAˆs (x,y) = 2 (x  − y ) | et  |− eAˆs (x,y) = 3 (x − 3xy  )|
--------------------------      -----------------------------
(1.53)

1.3 Dynamique transverse

1.3.1 Dynamique linéaire

Dans un accélérateur, la solution des équations transverses du mouvement peut se décomposer en deux termes, (a) l’orbite fermée qui, par définition, est une orbite de période 1 et (b) une oscillation de faible amplitude dite bétatron autour de cette orbite fermée. Nous verrons que l’orbite fermée dépend de l’énergie de la particule. Mais tout d’abord établissons les équations linéaires du mouvement.

Pour cela, nous partons de l’expression du Hamiltonien 1.36 que nous réécrivons en ne conservant que les parties linéaire et quadratique du potentiel vecteur 1.46, i.e. le potentiel d’un dipôle 1.51 et celui d’un quadripôle droit 1.53 :

               p2x + p2y                  x2      y2
ℋ0  = (1 + hx)-------- − hx δ + (h2 + b2)---−  b2 ---
              2(1 + δ)                   2      2
(1.54)

Les équations du mouvement transverse sont alors :

{ dx   ∂ℋ-      dpx-    ∂ℋ-
  ds = ∂px,     ds = −  ∂x
  ddys = ∂∂ℋpy,    dpdxs = − ∂ℋ∂y-
(1.55)

Pour l’instant, nous adoptons les approximations classiques afin de retrouver les expressions données par la littérature, à savoir :

  1. l’approximation des grandes machines en négligeant le terme hexapolaire    p2+p2
hx 2x(1+-yδ)   dans l’expression du Hamiltonien 1.54
  2. la dépendance linéaire en l’écart en énergie δ  .

Le Hamiltonien 1.54 devient en prenant en compte la première approximation classique :

       p2x + p2y            2     x2      y2
ℋ0  = -------- − hx δ + (h + b2)---− b2 ---
      2(1 + δ)                   2      2
(1.56)

Les équations du mouvement 1.55 s’écrivent comme :

(
|  dx-=  px-,     dpx-= h δ − (h2 + b )x
{  dsdy    1p+yδ     ddps               2
|  ds-=  1+δ,    -dxs = b2y
(
(1.57)

Soit en termes d’équations différentielles du second ordre des variables x  et y  (en négligeant les termes d’ordre 2 en δ  ) :

(| d2x-+ K δx   = hδ + 𝒪 (h2),         {
{ dds22y     x                             K δx(s) d´e=f Kx- = b2+h2
  ds2-+ K δyy   = 0,             avec      δ    d´ef 1K+yδ    1+δb2
|(                                      K y(s) =  1+δ = − 1+δ
(1.58)

Nous remarquerons les points suivants :

Dans la suite, j’emploierai les anglicismes : particule on momemtum si δ = 0  et particule off momemtum si δ ⁄= 0  . Le symbole ′ désigne la dérivation par rapport à la longitude s  et ′′ la dérivée seconde.

1.3.1.1 Particule on momentum

L’équation homogène du système  1.58 peut être réécrite pour δ =  0  comme l’équation générique :

{
  u′′(s) + Ku(s)u =  0
                            avec  u =  x,y
  Ku (s + L ) = Ku (s)
(1.59)

C’est donc une équation de Hill.

La solution générale u (s)  de l’équation de Hill 1.59 décrit le mouvement d’une particule d’énergie nominale de la machine, i.e. δ = 0  . Usuellement, la solution s’écrit de différentes manières dans la littérature :

– en utilisant le théorème de Floquet (voir par exemple Courant et Snyder, 1958), la solution s’exprime en fonction de la fonction bétatron βu(s)   :

               ∘ --------
u(s) = uβ(s) =   βu(s)εu cos(ϕu (s) + ϕ0u )
(1.60)

avec la phase         ∫ s-d˜s-
ϕu(s) =  0 βu(˜s)   , ϕ0u  la phase à l’origine et βu  vérifiant l’équation différentielle :

β′′u(s) + 2Ku (s)βu (s) − 2γu (s) = 0
(1.61)

en posant α  =  − 1β′
  u     2 u  et γ  = 1+α2u-
 u    βu   . Les paramètres α
  u  , β
  u  et γ
 u  sont appelés fonctions ou paramètres de Twiss. L’avance de phase sur un tour complet ramenée à 2π  définit le nombre d’ondes νu   :

      1 ∮   d ˜s
νu = ---   ------
     2π    βu(˜s)
(1.62)

qui correspond au nombre moyen d’oscillations effectuées par la particule autour de l’orbite fermée.

L’invariant linéaire, aussi appelé invariant de Courant-Snyder ou encore émittance, est l’intégrale première du mouvement :

γuu2 + 2αuuu ′ + β2 u′2 = εu
                  u
(1.63)

Géométriquement, l’équation 1.63 est celle d’une ellipse d’aire π εu  dans le plan     ′
(u, u)  (cf. Fig. 1.5).


PICT PICT

FIG. 1.5: Ellipse invariante dans l’espace des phases (u, u′ ). L’aire de l’ellipse est π εu   ; αu , βu  et γu  sont les fonctions de Twiss.


– en utilisant la paramétrisation de Courant-Snyder (1958) :

            ( √ ----      ) (                  ) ( √ ---       )
ℳ (s2|s1) =    -βα22uu   -01--      cosψ12  sinψ12      -βα11u   -01--
             − √ β2u-  √β2u    − sin ψ12  cosψ12    − √ β1u-  √β1u
(1.64)

ℳ(s2|s1)  est la matrice de transfert de la longitude s1   à s2   , ψ12   l’avance de phase entre s1   à s2 , βiu = βu(si)  . Sur un tour complet, l’expression 1.64 se simplifie pour donner l’application linéaire de premier retour :

ℳ   = ℐ  cosψ  + 𝒥  sinψ  ,  avec  ψ   = 2πν    et  u = x,y
       2     u     u     u           u       u
(1.65)

avec ℐ2   la matrice identité et

      (           )
𝒥   =    αu    βu
  u     − γu  − αu
(1.66)

– en utilisant les fonctions principales Cu (s)  et Su (s)  qui par définition sont deux solutions indépendantes de l’équation de Hill 1.59 vérifiant :

{
  Cu(0) = 1,  Su (0) = 0
   ′            ′
  Cu(0) = 0,  S u(0) = 1
(1.67)

La solution générale avec pour conditions initiales (u ,u′)
  0  0  peut alors s’écrire (Courant et Snyder, 1958) :

(     )    (             ) (   )
  u(′s)  =   Cu′(s)  Su′(s)    u0′
 u (s)      C u(s)  Su(s)    u0
(1.68)

1.3.1.2 Particule off momentum

Pour une particule n’ayant pas l’énergie nominale du faisceau, i.e. δ ⁄= 0  , l’équation 1.58 devient :

u”(s) + Ku (s)u (s) = h(s)δ    avec   u = x,y
(1.69)

Par convention, on appelle fonction dispersion la solution particulière ηu(s)  périodique pour δ=1 de l’équation 1.69. En utilisant les fonctions principales C  (s)
  u  et S  (s)
  u  , la dispersion linéaire est donnée par la formule (Lee, 1998) :

              ∫ s                     ∫ s
ηu (s ) = Su (s)  h (˜s)Cu(˜s)d ˜s − Cu (s)   h(˜s)Su(˜s)d ˜s
               0                       0
(1.70)

En utilisant la linéarité des équations, on en déduit que la solution complète peut s’exprimer par :

u(s) = ∘  --------
   εuβu(s) cos(ϕu(s) + ϕu0) + ηu(s)δ (1.71)
= uβ(s) + uδ(s) (1.72)
avec uβ(s)  la solution bétatron et u δ(s)  l’orbite fermée chromatique.

Similairement à l’optique géométrique où une lentille focalise plus faiblement les photons de petite longueur d’onde, i.e. de grande énergie, la focalisation d’un quadripôle est une fonction intrinsèquement dépendante de l’énergie (δ  ). Si Ku  est le gradient quadripolaire, alors on peut écrire (cf. Eq. 1.58) :

  δ    Ku                     2
K u = ----- = Ku (1 − δ + 𝒪 (δ ))
      1 + δ
(1.73)

Donc, les particules ayant une énergie supérieure à l’énergie nominale δ > 0  sont moins focalisées. Il s’ensuit que l’avance de phase dans un élément quadripolaire devient une fonction de l’énergie, ce qui nous conduit à définir la chromaticité comme la variation du nombre d’ondes, νu  , en fonction de l’énergie :

ξ =  ∂νu-
 u   ∂ δ
(1.74)

Suivant les cas, nous parlerons de chromaticité [globale] ou de chromaticité réduite, i.e. ramenée au nombre d’ondes ξrued=  ξνu
        u   . La contribution produite uniquement par les éléments linéaires, i.e. les dipôles et les quadripôles est appelée chromaticité naturelle. Elle est toujours négative et a des conséquences très dommageables sur la dynamique globale du faisceau si elle n’est pas corrigée. Par exemple pour SOLEIL, les chromaticités naturelles sont  nat
ξx   = − 3.01 × 18.28  et ξnaty=−2.66 × 8.38  , ce qui induit pour δ = 1  % les déplacements des nombres d’ondes proches du demi-entier (Δ νx,Δ νy) = (− 0.5,− 0.2)  . Ces glissements des nombres d’ondes peuvent amener le faisceau sur des lignes de résonance et conduire à des conséquences néfastes pour les performances de l’anneau.

La seconde raison nécessitant une correction de chromaticité provient des effets collectifs. Lorsqu’un paquet de particules circule dans l’accélérateur, les particules de tête laissent derrière elles un champ de sillage qui va être ressenti par les particules de queue du paquet et induire des instabilités. Au bout d’une demi-période synchrotron, les particules de tête deviennent les particules de queue et réciproquement. Ce type d’instabilité, dite head-tail, peut conduire à la perte du faisceau. Il peut être montré (voir par exemple Lee, 1998) que ces instabilités disparaissent à chromaticités nulles et sont plus néfastes pour des chromaticités négatives que positives.

Dans un anneau de stockage, la chromaticité doit être soit nulle soit légèrement positive. Pour la compenser, on introduit dans l’anneau des éléments nonlinéaires : les hexapôles8.

1.3.2 Dynamique nonlinéaire

Le Hamiltonien complet 1.36 peut maintenant être écrit sous la forme :

ℋ  = ℋ0  + ℋ1
(1.75)

ℋ0 décrit le mouvement linéaire d’une machine parfaite (cf. Eq. 1.54) et ℋ1   contient les défauts de champs dipolaires, quadripolaires et le potentiel vecteur des multipôles. Si ℋ1   est suffisamment faible, le mouvement va être encore stable. Toutes les grandeurs linéaires définies précédemment ne vont plus être des constantes du mouvement.

En particulier, les nombres d’ondes vont varier avec l’amplitude et l’énergie et peuvent au premier ordre d’une théorie des perturbations s’écrire (voir par exemple Guignard, 1978, Ruth et al., 1985 ou Wiedemann, 1995) :

               2       2             4   4    2
νu = ν0u + kuvu  + kvuv  + ξuδ + 𝒪(u  + v  + δ )
(1.76)

avec si u= x  , v = y  et vice versa. La contribution linéaire définit le point de fonctionnement de la machine (ν  ,ν  )
 0x  0y  . Les coefficients k
 uv  et k
 vu  sont les premiers termes introduits par les nonlinéarités.

La principale cause de nonlinéarité dans un accélérateur d’électrons provient de l’introduction des hexapôles. Regardons succinctement les effets qu’ils induisent. Pour cela, décrivons brièvement le principe de correction de la chromaticité : lorsqu’un hexapôle n’est pas traversé en son centre, une composante quadripolaire apparaît et peut être judicieusement utilisée pour corriger la chromaticité. Les équations du mouvement pour un hexapôle de force S  = 2b2   s’écrivent (cf. Eq. 1.53 et Eq. 1.54) :

{
  x′′ + 12S(x2 − y2)  =  0
  y′′ − Sxy          =  0
(1.77)

Pour un hexapôle de longueur infinitésimale ds  , on a alors :

{
  dx ′ =  − 1S(x2 − y2)ds
            2
  dy ′ =  Sxyds
(1.78)

Pour la correction chromatique, il est nécessaire de pouvoir distinguer les trajectoires correspondant aux différentes énergies : on se place donc dans une région dispersive9. En utilisant les équations 1.72 et 1.78, il advient :

(    ′      (|------|  1 2 2   1  2     2)
{ dx    = S (-ηxδxβ-|+ 2ηxδ) + 2(xβ − yβ ) ds
(    ′       |------|
  dy    = S  -ηxδyβ-+  xβyβ  ds
(1.79)

Il peut être démontré simplement qu’un défaut de gradient intégré ΔKds  localisé en s = s0   introduit le glissement des nombres d’ondes (voir par exemple Lee, 1998) :

Δ νu = -1-βu(s0)ΔKds,
       4π
(1.80)

formule qui se généralise pour une distribution de défauts k (s)  à l’intégrale sur la circonférence de l’accélérateur :

        1 ∮
Δ νu = ---   βu(s)k(s)ds
       4π
(1.81)

Si l’on ne considère que la partie quadripolaire de l’équation 1.79, le défaut local de focalisation ±  Sηxδds  apparaît. En utilisant alors la définition de la chromaticité 1.74 et l’équation 1.81, on déduit immédiatement que la participation à la chromaticité des hexapôles s’écrit :

{            ∮
  ξhxex  =  1-  βx(s)S (s)ηx(s)ds
   hex     4π1-∮
  ξy    =  − 4π   βy(s)S(s)ηx(s)ds
(1.82)

En principe, deux familles hexapolaires de force intégrée S
  1   et S
  2   suffisent pour compenser les deux chromaticités ; les forces doivent alors satisfaire pour chaque maille d’une machine N-périodique :

{                                       nat
   S1βx (s1)ηx (s1) + S2βx (s2)ηx(s2)  =  ξxN--
                                       ξnyat-
 − S1βy (s1)ηx (s1) − S2βy(s2)ηx(s2)  =   N
(1.83)

en supposant que les deux hexapôles sont localisés respectivement en s = s
     1   et s = s
     2   .

Les hexapôles (parfaits) introduisent deux sortes d’effets indésirables (cf. Eq. 1.79) :

  1. un terme d’aberration chromatique η2xδ2
  2. deux termes d’aberration géométrique (x2 − y2)  et xy

Ces termes d’aberration sont généralement corrigés partiellement en introduisant de nouvelles familles d’hexapôles dans la maille de la machine.

Dans un accélérateur circulaire, la deuxième contribution aux nonlinéarités provient des défauts magnétiques des aimants (déplacements, rotations d’un élément, champs de fuite, composantes multipolaires). Ces défauts sont systématiques ou aléatoires et inhérents à l’accélérateur. Nous verrons au cours des chapitres suivants qu’une bonne connaissance des défauts quadripolaires permet déjà de bien modéliser la dynamique de l’accélérateur.

Les défauts magnétiques induisent des phénomènes résonants qui détériorent la stabilité et les performances de la machine.

1.4 Définitions complémentaires

1.4.1 Résonances

La dynamique transverse est modélisée par un système à (2+1) degrés de liberté. La condition de résonance est obtenue pour une combinaison linéaire entre les nombres d’ondes transverses νx  , νy  et le nombre d’ondes longitudinale normalisé à ν =  1  , i.e.  :

pνx + qνy + r = 0  avec   (p,q,r) ∈ ℤ3
(1.84)

Habituellement |p | + |q| est appelé l’ordre de la résonance et correspond à l’ordre des polynômes du développement du potentiel vecteur. Cependant, il est souvent plus judicieux de définir l’ordre par l’entier |p| + |q| + |r| à partir de l’équation :

                                       3
p[νx] + q[νy] + r = 0 avec  (p,q,r) ∈ ℤ
(1.85)

[] désigne la partie fractionnaire des nombres d’ondes. Cette définition, plus naturelle, correspond à celle adoptée en Mécanique Céleste. Dans la suite, l’ordre des résonances défini avec cette convention sera noté par p : q : r  .

Pour une machine N-périodique, i.e. constituée de N  super-périodes, la condition de résonance est plus stricte : la dynamique de la machine totale est alors la même que pour une seule super-période avec pour fréquence longitudinale ν′ = N  .

pν  + qν  + r′ × N = 0   avec  (p,q,r′) ∈ ℤ3
  x     y
(1.86)

Plus un accélérateur a une périodicité élevée, plus la condition de résonance est sévère (cf. Fig. 1.6). Dans la suite, nous parlerons de résonances permises, systématiques ou de structure et de résonances interdites, sous-entendu par la périodicité.


pict

FIG. 1.6: Diagramme des résonances jusqu’à l’ordre 8 avec (a) et sans (b) 12-périodicité (exemple de l’ALS). La symétrie interne d’un accélérateur est utilisée pour augmenter la stabilité globale de la dynamique. Le point de fonctionnement d’une machine est choisi dans une région du diagramme où il y a peu de résonances.


Dans une théorie de perturbation simplement résonante du premier ordre, il peut être montré que, pour des résonances sommes (qp > 0  ), la différence des émittances εx − εy  est conservée. Pour des résonances différences (qp < 0  ), c’est la somme des émittances εx + εy  qui est conservée (voir par exemple : A General Treatment of Resonances in Accelerators, Guignard, 1978). Dans le premier cas, il peut y avoir amplification mutuelle des amplitudes d’oscillation (proportionnelles à la racine carrée de l’émittance), ce qui conduira à la divergence des trajectoires des particules alors que pour des résonances différences, il ne peut y avoir que transfert d’amplitudes d’oscillation entre les deux plans. Durant ma thèse, j’ai parfois entendu dire que les résonances différences ne sont pas dangereuses pour la dynamique du faisceau. En conséquence, les largeurs des résonances différences ne sont pas toujours optimisées. Il est clair que ce résultat est celui d’une théorie de perturbation du premier ordre et qu’il n’est valide qu’au voisinage d’une résonance unique. Proche d’un nœud de résonances, les largeurs de résonances peuvent se recouvrir et la dynamique est toute autre.

1.4.2 Acceptances et ouvertures

1.4.2.1 Définitions

L’acceptance physique est par définition l’aire de la plus grande ellipse que l’accélérateur accepte (cf. Eq. 1.72) :

      [                 2]
A  =   π au(s) −-|ηu(s)δ|         avec  u =  x,y
  u           βu(s)       min
(1.87)

et au(s)  , la demi-ouverture physique et ηu(s)  la dispersion locale.

L’acceptance dynamique est définie comme la plus grande région de l’espace des phases (dimension 6) à l’intérieur de laquelle les trajectoires de particules sont bornées, ceci en ne considérant que la dynamique d’une particule isolée. Restreinte à l’espace transverse, on parle d’ouverture dynamique, restreinte à la dynamique longitudinale, d’acceptance en énergie ou RF.

La détermination des dimensions de l’ouverture dynamique est fondamentale mais non triviale. Sa définition dépend du nombre de tours d’intégration des orbites. Par exemple Irwin (in Chao et Tigner, pp. 87–91) donne comme nombre de tours optimum, vingt-cinq pour cent du temps d’amortissement du faisceau, soit environ 1 000 tours pour des électrons. Cette limite est cependant trop faible pour étudier finement la dynamique à long terme (estimation de la diffusion, coefficients de Lyapunov), car les trajectoires des particules peuvent diverger aussi bien au bout d’un très faible nombre de tours (diffusion rapide) que lentement (diffusion d’Arnold) comme nous le verrons plus tard. La définition de l’ouverture dynamique dépend aussi des phases auxquelles elle est tracée (généralement x′ = y′ = 0  ), car les orbites se déforment.

Un problème ouvert est actuellement la recherche d’un facteur de qualité pour l’optimisation de l’ouverture dynamique (voir Todesco, 1999).

1.4.2.2 Un schéma d’optimisation de l’ouverture dynamique

De par les nonlinéarités, il n’existe pas de méthode analytique générale pour optimiser l’ouverture dynamique. Je présente ici le processus empirique d’optimisation d’une maille utilisé pour le Projet SOLEIL (Nghiem et al., 1997) ; c’est un processus en quatre étapes :

La première étape consiste à choisir un point de fonctionnement dans une région du diagramme des nombres d’ondes (cf. Fig. 1.6) où non seulement, une émittance faible peut être obtenue mais aussi où il y a un minimum de résonances systématiques. Il est en particulier primordial d’éviter la proximité (a) des résonances d’ordres entiers qui sont excitées par les erreurs d’orbite fermée ; (b) des résonances d’ordres demi-entiers qui sont excitées par les erreurs de gradients quadripolaires ; (c) des résonances sommes pour éviter l’amplification mutuelle des oscillations bétatrons horizontales et verticales ; (d) des résonances du troisième ordre qui sont introduites par les hexapôles. Ces critères permettent d’obtenir une ouverture dynamique peu sensible aux défauts magnétiques et à l’introduction des insertions.

La deuxième étape concerne l’optimisation des fonctions bétatrons10 : (a) la fonction βx  doit être minimum dans les dipôles pour obtenir une faible émittance ; (b) la création de hautes brillances issues des insertions contraint la fonction βy   ; (c) le rapport βmax∕βmin  doit être minimum pour l’injection du faisceau ; de plus les fonctions bétatrons ne doivent pas être trop grandes pour éviter d’avoir une sensibilité trop importante aux erreurs magnétiques. Il est également souhaitable de conserver la symétrie la plus élevée possible.

La troisième étape est le positionnement des hexapôles dans la maille. Les forces hexapolaires doivent être les plus faibles possibles, car elles limitent l’ouverture dynamique. Les hexapôles sont placés dans les régions à grande dispersion où les fonctions βx  et βy  sont découplées (Eq. 1.79).

La quatrième et dernière étape est dédiée à la correction de la chromaticité et l’optimisation de l’ouverture dynamique proprement dit. Seule l’ouverture dynamique on momentum (δ = 0  ) est optimisée. La minimisation des résonances hexapolaires d’ordre 3 est fondée sur une méthode analytique du premier ordre (voir la thèse de Audy, 1989).