Ce chapitre a pour objectif de définir les notions de base de physique des accélérateurs circulaires. Cet exposé est loin d’être exhaustif ; le lecteur pourra se référer à des ouvrages classiques, par exemple (Wiedemann, 1993) et (Lee, 1998) pour une introduction complète sur la physique des accélérateurs ainsi que le Handbook of Accelerator Physics and Engineering édité par Chao et Tigner (1998) rassemblant les principales formules de bases et surtout de nombreuses références précieuses et utiles. La lecture des articles et ouvrages de référence de Courant et Snyder (1958), Bruck (1966) et Sands (1970) ont également guidé l’écriture de ce chapitre.
Après une introduction qualitative aux principaux phénomènes mis en jeu pour stocker un faisceau de particules, je définirai de manière rigoureuse l’expression du Hamiltonien la plus générale pour un accélérateur de particules. Cette formulation sera utile pour aborder le second chapitre où est construit un intégrateur des équations du mouvement (section 1.2). Je rappellerai ensuite succinctement les résultats principaux en approximation linéaire (section 1.3.1). Enfin, je discuterai de quelques grandeurs fondamentales utilisées pour définir les performances d’une source de lumière (section 1.4).
Un anneau de stockage est une structure magnétique circulaire dans laquelle on accumule un faisceau intense de particules. Tout l’enjeu est de pouvoir conserver ce faisceau pendant plusieurs heures voire dizaines d’heures. Pour que le faisceau conserve de bonnes propriétés (taille, divergence, cohérence), un vide poussé doit exister dans l’anneau. Suivant le type de particules et les caractéristiques de l’anneau de stockage, le faisceau sera utilisé soit pour réaliser des collisions entre particules (e.g. le défunt anneau de collision LEP et le futur collisionneur LHC du CERN), soit pour produire de la lumière (e.g. les sources de rayonnement synchrotron de Grenoble (ESRF), de Berkeley (ALS), la future source de lumière de troisième génération SOLEIL (Saclay)). Dans le premier cas, le domaine d’application est principalement la physique des hautes énergies (particules, ions lourds) ; les sources de lumières sont, quant à elles, utilisées comme microscopes géants aux propriétés inégalées dans les domaines de la recherche fondamentale et appliquée (biologie, propriétés structurales et électroniques de la matière, environnement, applications industrielles).
Plongeons à présent au cœur d’un anneau de stockage1 :
|
L’objectif de la section suivante est d’établir l’expression générale du Hamiltonien d’une particule relativiste se déplaçant dans un champ électromagnétique. Nous pourrons alors en déduire les équations du mouvement et discuter de la dynamique linéaire et nonlinéaire d’une particule circulant dans un anneau de stockage.
Pour établir les équations du mouvement d’une particule circulant dans un accélérateur, nous
partirons du principe de moindre action. Nous commencerons par établir l’expression du Lagrangien
d’une particule libre relativiste de masse , puis nous plongerons la particule de charge
dans
un champ électromagnétique (section 1.2.1). Nous en déduirons l’expression générale du
Hamiltonien relativiste que nous exprimerons en coordonnées de l’accélérateur (section 1.2.2). A
chaque étape, nous définirons avec précision l’ensemble des hypothèses réalisées et l’expression
générale du champ magnétique (section 1.2.3).
Soit l’intégrale d’action pour une particule libre relativiste,
sa masse,
son
vecteur position et
son vecteur vitesse. Par application du principe de relativité,
l’action doit être indépendante du choix du référentiel d’inertie, soit un invariant de
Lorentz : l’intégrale d’action
est donc un scalaire. De plus, il ne doit figurer que des
différentielles du premier degré sous le signe d’intégration (cf. Landau et Lifchitz, Physique
théorique : Théorie des Champs, chap. I et II). La seule solution pour une particule
libre est alors l’intervalle relativiste
à une constante de proportionnalité près, notée
.
Si l’intégrale est prise sur une ligne d’univers s’étendant entre deux événements et
qui
sont les positions initiale et finale de la particule aux instants respectifs
et
, alors l’action
s’écrit :
![]() | (1.1) |
Or l’intervalle relativiste est donné par la métrique de Minkowski :
![]() | (1.2) |
où est la vitesse de la lumière ; donc l’action 1.1 peut se réécrire :
![]() | (1.3) |
Par définition du Lagrangien (), l’action est également définie par la relation (cf. Landau et
Lifchitz, Physique théorique : Mécanique, chap. I) :
![]() | (1.4) |
On déduit des équations 1.3 et 1.4 l’expression du Lagrangien :
![]() | (1.5) |
La constante est déterminée en passant à la limite
qui doit redonner l’énergie
cinétique classique pour une particule libre ; en effectuant un développement limité à l’ordre un de
l’expression 1.5, on obtient :
![]() | (1.6) |
d’où . Le terme entre crochets est constant donc il n’intervient pas dans les équations du
mouvement : il correspond à l’énergie de masse de la particule.
Le Lagrangien d’une particule libre relativiste de masse s’exprime finalement
par :
![]() | (1.7) |
Pour une particule relativiste de charge en mouvement dans un champ électromagnétique, le
Lagrangien total comporte un terme supplémentaire (
) caractérisant l’interaction de la
particule avec le champ électromagnétique
(voir Landau et Lifchitz, Théorie des Champs,
chap. III) :
![]() | (1.8) |
avec le potentiel vecteur et
le potentiel scalaire solutions des équations de Maxwell.
Par définition, les moments canoniques s’obtiennent à partir du Lagrangien :
![]() | (1.9) |
soit en utilisant l’expression 1.8 et le facteur de Lorentz :
![]() | (1.10) |
Le Hamiltonien autonome est obtenu à partir de la fonction de Lagrange 1.8 (voir Landau et
Lifchitz, Mécanique, chap. VII) :
ℋ(q,p) | ![]() ![]() ![]() ![]() | ||
= γmv2 + eA ⋅ v −![]() | |||
= γmc2 + eϕ(q) | (1.11) |
![]() | (1.13) |
Les équations du mouvement sont les équations dites de Hamilton ou canoniques :
![]() | (1.14) |
avec la relation supplémentaire si le Hamiltonien dépend explicitement du temps :
![]() | (1.15) |
Les variables sont appelées variables canoniques. Pour une description du formalisme
Hamiltonien, le lecteur pourra se reporter par exemple au chapitre VII du tome de Mécanique de
Landau et Lifchitz.
Pour la suite de l’exposé, il est utile d’obtenir une expression du Hamiltonien pour les jeux de coordonnées cartésiennes et curvilignes. L’obtention générale du Hamiltonien va être présentée en coordonnées curvilignes dont les coordonnées cartésiennes ne sont qu’un cas particulier (la courbure et la torsion sont nulles, cf. infra).
Les coordonnées curvilignes, notées , sont définies par rapport au repère de
Serret-Frenet direct
; une particule de coordonnées transverses
et
est repérée par son vecteur position
par rapport à l’orbite de référence
(voir
Fig. 1.3) :
r(X,Y,s) | = r0(s) + Xn(s) + Y b(s) | (1.16) | |
= xi + yj + zk |
|
Les vecteurs orthonormés sont respectivement les vecteurs tangent, normal et binormal
définis par :
![]() | (1.17) |
où et
décrivent la courbure et la torsion locales de la trajectoire à la longitude
:
![]() |
Je rappelle les formules de Frenet :
![]() | (1.18) |
On recherche une transformation canonique entre les anciennes variables notées
et les nouvelles variables
.
Pour cela, on construit une fonction génératrice dépendant des anciens moments et des
nouvelles positions,
. Les changements de variables sont alors définis implicitement
par :
q | ![]() ![]() ![]() | (1.19a) |
![]() | ![]() ![]() ![]() | (1.19b) |
![]() | (1.20) |
Par convention la fonction est choisie nulle. L’équation 1.19b définit les nouveaux moments
recherchés :
![]() |
avec les projections usuelles de l’impulsion sur la base
. On note également
que les coordonnées du potentiel vecteur
se transforment comme celles du moment
(cf.
équation 1.10).
Dans la suite, on fait l’hypothèse que la trajectoire de référence est plane, i.e. que la torsion
est nulle2.
En remarquant que la base de Serret-Frenet est orthonormée, le nouveau Hamiltonien s’écrit en
utilisant l’expression 1.13 :
ℋ | (X,Y,s,![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() | ||
= c![]() ![]() | (1.21) |
Dans un accélérateur, il est plus commode d’exprimer la trajectoire d’une particule en fonction de la
coordonnée longitudinale prise comme variable indépendante à la place du temps (
en
coordonnées rectangulaires ou
en coordonnées curvilignes).
Comme nouveau Hamiltonien3,
on choisit en notant
:
![]() ![]() ![]() ![]() | − (1 + hX)![]() | ||
− e![]() | (1.22) |
d![]() ![]() | −∑
k=12![]() ![]() ![]() ![]() ![]() | ||
⇒−d![]() ![]() ![]() | ∑
k=12![]() | ||
+ ![]() ![]() ![]() ![]() | (1.23) | ||
par identification en utilisant les équations 1.14, on obtient les nouvelles équations de Hamilton : | |||
![]() | (1.24) | ||
et | |||
![]() | (1.25) |
La variable est physiquement reliée à la notion de temps de vol et son moment canonique
est
l’opposé de l’énergie totale de la particule. Pour la suite des calculs, on suppose que le potentiel électrique
est nul4.
En faisant l’hypothèse que le potentiel vecteur est nul le long de l’axe optique, i.e. ,
on constate l’existence de la trajectoire particulière :
, que l’on
appelle trajectoire de référence.
La seconde transformation revient simplement à introduire un facteur d’échelle dans les variables :
![]() ![]() | (1.26) |
Pour conserver la nature hamiltonienne des équations, le nouveau Hamiltonien est simplement
, soit :
![]() | (1.27) |
avec . Le long de la trajectoire de référence, on a alors :
![]() | (1.28) |
Usuellement, on préfère définir le mouvement d’une particule par rapport à une trajectoire de
référence nulle, ce qui nous conduit à faire le dernier changement de variables dépendant de
(d’après Eq. 1.28) :
![]() | (1.29) |
Ce changement de variables dépend explicitement de . Si
est une fonction génératrice, le
nouveau Hamiltonien sera donné par :
. Nous construisons la fonction génératrice
dépendant des anciennes positions et des nouveaux moments
(Dragt et Forest, 1986) :
![]() | = ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() | (1.30) |
![]() | = ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() | (1.31) |
![]() | (1.32) |
On en déduit l’expression du nouveau Hamiltonien :
![]() | (1.33) |
en remarquant l’identité : .
Dans le cas ultra-relativiste, le Hamiltonien 1.33 se simplifie
encore5
puisque et
. Pour alléger l’écriture, les variables « perdent leur chapeau » (si
aucune confusion n’est possible) et on pose
et
:
![]() | (1.34) |
Interprétons physiquement les nouvelles variables et
:
Lorsqu’on ne s’intéresse pas au cas du solénoïde, le potentiel vecteur n’a qu’une seule
composante non nulle qui ne dépend que des coordonnées transverses :
![]() | (1.35) |
Pour la suite du travail, on a le choix entre conserver cette expression avec la racine carrée et effectuer un développement limité. Dans ce dernier cas, le Hamiltonien se réduit à :
ℋ | = −(1 + hx)(1 + δ)(1 −![]() | ||
= (1 + hx)![]() |
![]() | (1.36) |
Cette dernière expression sera utilisée pour déduire la dynamique linéaire. Pour l’instant, il ne reste plus qu’à déterminer l’expression du potentiel vecteur.
L’expression la plus générale du potentiel vecteur est calculée en partant des équations de Maxwell exprimées dans le vide et pour un champ électromagnétique statique en coordonnées curvilignes (Lee, 1998) :
∇ × B = 0, | ∇⋅ B = 0 | (1.37) |
⇐⇒![]() | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() | (1.38) |
En prenant l’hypothèse que le plan est un plan d’antisymétrie pour le champ magnétique
(cf. symétrie des aimants, Fig. 1.4), alors :
![]() | (1.39) |
Le champ magnétique peut alors être développé en série des variables transverses sous la forme (Voir Steffen, 1985 et pour une représentation plus complète, Papaphilippou et al., 2001) :
![]() | (1.40) |
où les coefficients ,
,
des fonctions de
à déterminer.
En injectant les solutions 1.40 dans les équations de Maxwell 1.38, on obtient les formules de récurrence (Steffen, 1985) :
![]() | (1.41) |
avec la dérivée par rapport à notée
et par convention d’écriture un coefficient ayant un de ses
indices négatif est nul.
Si le champ magnétique est mesuré en tant que fonction des coordonnées
dans le plan
d’antisymétrie sous la forme :
![]() | (1.42) |
alors (cf. Eq. 1.40) et en utilisant les relations de récurrence 1.41, on déduit, après
quelques lignes de calcul, l’expression générale du champ magnétique (Lee, 1998) :
![]() | (1.43) |
Lorsque (élément rectangulaire), le champ magnétique peut s’écrire à partir de
l’expression 1.43 en représentation complexe :
![]() | (1.44) |
avec .
Pour simplifier les calculs, les coefficients sont souvent pris constants, donc l’équation 1.44
se simplifie encore (Lee, 1998) :
![]() | (1.45) |
par convention, on pose avec
choisi tel que
et avec
où
est la rigidité magnétique. Cette représentation complexe du champ
magnétique est souvent appelée représentation de Beth.
A ce stade, il existe deux conventions : la sommation de l’équation 1.45 commence à 0 aux Etats-Unis et à 1 en Europe. Dans la suite, je prendrai la convention européenne, donc l’équation 1.45 devient :
By + jBx | = B0 ∑ n=1∞(b n + jan)(x + jy)n−1 | (1.46) |
avec | ||
bn = ![]() | ![]() ![]() ![]() | (1.47) |
Le potentiel vecteur (avec ) est lié au champ magnétique par l’équation,
, soit exprimée en coordonnées curvilignes :
![]() | (1.48) |
En coordonnées rectangulaires (), la formule 1.48 s’intègre immédiatement en utilisant
l’expression 1.46 pour donner :
![]() | (1.49) |
où désigne la partie réelle. Deux types de représentations nous intéressent :
Représention curviligne : En coordonnées curvilignes, le potentiel vecteur ne peut pas
s’exprimer de manière aussi simple qu’en coordonnées rectangulaires (cf. Eq. 1.49). La solution
s’exprime sous forme d’une série infinie qu’il faut tronquer à l’ordre
(voir par exemple la thèse
de Fartoukh, 1997). Cette description est adaptée aux éléments type dipôle de rayon de courbure
.
![]() | (1.50) |
L’expression qui nous intéresse est celle de exprimée pour le Hamiltonien 1.36 ; en
utilisant la rigidité magnétique
, on obtient :
![]() | (1.51) |
Représentation rectangulaire : Ce cas est particulièrement adapté à la description des éléments sans courbure, i.e. les quadripôles, les hexapôles et les éléments multipolaires. Pour le quadripôle droit et l’hexapôle droit la formule 1.49 donne respectivement :
![]() | (1.52) |
soit pour :
![]() | (1.53) |
Dans un accélérateur, la solution des équations transverses du mouvement peut se décomposer en deux termes, (a) l’orbite fermée qui, par définition, est une orbite de période 1 et (b) une oscillation de faible amplitude dite bétatron autour de cette orbite fermée. Nous verrons que l’orbite fermée dépend de l’énergie de la particule. Mais tout d’abord établissons les équations linéaires du mouvement.
Pour cela, nous partons de l’expression du Hamiltonien 1.36 que nous réécrivons en ne conservant que les parties linéaire et quadratique du potentiel vecteur 1.46, i.e. le potentiel d’un dipôle 1.51 et celui d’un quadripôle droit 1.53 :
![]() | (1.54) |
Les équations du mouvement transverse sont alors :
![]() | (1.55) |
Pour l’instant, nous adoptons les approximations classiques afin de retrouver les expressions données par la littérature, à savoir :
Le Hamiltonien 1.54 devient en prenant en compte la première approximation classique :
![]() | (1.56) |
Les équations du mouvement 1.55 s’écrivent comme :
![]() | (1.57) |
Soit en termes d’équations différentielles du second ordre des variables et
(en négligeant les
termes d’ordre 2 en
) :
![]() | (1.58) |
Nous remarquerons les points suivants :
Dans la suite, j’emploierai les anglicismes : particule on momemtum si et particule off
momemtum si
. Le symbole
désigne la dérivation par rapport à la longitude
et
la
dérivée seconde.
L’équation homogène du système 1.58 peut être réécrite pour comme l’équation
générique :
![]() | (1.59) |
C’est donc une équation de Hill.
La solution générale de l’équation de Hill 1.59 décrit le mouvement d’une particule
d’énergie nominale de la machine, i.e.
. Usuellement, la solution s’écrit de différentes
manières dans la littérature :
– en utilisant le théorème de Floquet (voir par exemple Courant et Snyder, 1958), la solution
s’exprime en fonction de la fonction bétatron :
![]() | (1.60) |
avec la phase ,
la phase à l’origine et
vérifiant l’équation
différentielle :
![]() | (1.61) |
en posant et
. Les paramètres
,
et
sont appelés fonctions ou
paramètres de Twiss. L’avance de phase sur un tour complet ramenée à
définit le nombre
d’ondes
:
![]() | (1.62) |
qui correspond au nombre moyen d’oscillations effectuées par la particule autour de l’orbite fermée.
L’invariant linéaire, aussi appelé invariant de Courant-Snyder ou encore émittance, est l’intégrale première du mouvement :
![]() | (1.63) |
Géométriquement, l’équation 1.63 est celle d’une ellipse d’aire dans le plan
(cf.
Fig. 1.5).
|
– en utilisant la paramétrisation de Courant-Snyder (1958) :
![]() | (1.64) |
où est la matrice de transfert de la longitude
à
,
l’avance de phase entre
à
,
. Sur un tour complet, l’expression 1.64 se simplifie pour donner l’application
linéaire de premier retour :
![]() | (1.65) |
avec la matrice identité et
![]() | (1.66) |
– en utilisant les fonctions principales et
qui par définition sont deux solutions
indépendantes de l’équation de Hill 1.59 vérifiant :
![]() | (1.67) |
La solution générale avec pour conditions initiales peut alors s’écrire (Courant et Snyder,
1958) :
![]() | (1.68) |
Pour une particule n’ayant pas l’énergie nominale du faisceau, i.e. , l’équation 1.58
devient :
![]() | (1.69) |
Par convention, on appelle fonction dispersion la solution particulière périodique pour
de l’équation 1.69. En utilisant les fonctions principales
et
, la dispersion
linéaire est donnée par la formule (Lee, 1998) :
![]() | (1.70) |
En utilisant la linéarité des équations, on en déduit que la solution complète peut s’exprimer par :
u(s) | = ![]() | (1.71) |
= uβ(s) + uδ(s) | (1.72) |
Similairement à l’optique géométrique où une lentille focalise plus faiblement les photons de
petite longueur d’onde, i.e. de grande énergie, la focalisation d’un quadripôle est une fonction
intrinsèquement dépendante de l’énergie (). Si
est le gradient quadripolaire, alors on peut
écrire (cf. Eq. 1.58) :
![]() | (1.73) |
Donc, les particules ayant une énergie supérieure à l’énergie nominale sont moins focalisées.
Il s’ensuit que l’avance de phase dans un élément quadripolaire devient une fonction de l’énergie, ce
qui nous conduit à définir la chromaticité comme la variation du nombre d’ondes,
, en fonction
de l’énergie :
![]() | (1.74) |
Suivant les cas, nous parlerons de chromaticité [globale] ou de chromaticité réduite, i.e. ramenée au
nombre d’ondes . La contribution produite uniquement par les éléments linéaires, i.e. les
dipôles et les quadripôles est appelée chromaticité naturelle. Elle est toujours négative et a des
conséquences très dommageables sur la dynamique globale du faisceau si elle n’est pas corrigée.
Par exemple pour SOLEIL, les chromaticités naturelles sont
et
, ce qui induit pour
% les déplacements des nombres d’ondes proches
du demi-entier
. Ces glissements des nombres d’ondes peuvent amener le
faisceau sur des lignes de résonance et conduire à des conséquences néfastes pour les performances
de l’anneau.
La seconde raison nécessitant une correction de chromaticité provient des effets collectifs. Lorsqu’un paquet de particules circule dans l’accélérateur, les particules de tête laissent derrière elles un champ de sillage qui va être ressenti par les particules de queue du paquet et induire des instabilités. Au bout d’une demi-période synchrotron, les particules de tête deviennent les particules de queue et réciproquement. Ce type d’instabilité, dite head-tail, peut conduire à la perte du faisceau. Il peut être montré (voir par exemple Lee, 1998) que ces instabilités disparaissent à chromaticités nulles et sont plus néfastes pour des chromaticités négatives que positives.
Dans un anneau de stockage, la chromaticité doit être soit nulle soit légèrement positive. Pour la compenser, on introduit dans l’anneau des éléments nonlinéaires : les hexapôles8.
Le Hamiltonien complet 1.36 peut maintenant être écrit sous la forme :
![]() | (1.75) |
où décrit le mouvement linéaire d’une machine parfaite (cf. Eq. 1.54) et
contient les
défauts de champs dipolaires, quadripolaires et le potentiel vecteur des multipôles. Si
est
suffisamment faible, le mouvement va être encore stable. Toutes les grandeurs linéaires définies
précédemment ne vont plus être des constantes du mouvement.
En particulier, les nombres d’ondes vont varier avec l’amplitude et l’énergie et peuvent au premier ordre d’une théorie des perturbations s’écrire (voir par exemple Guignard, 1978, Ruth et al., 1985 ou Wiedemann, 1995) :
![]() | (1.76) |
avec si ,
et vice versa. La contribution linéaire définit le point de fonctionnement de
la machine (
. Les coefficients
et
sont les premiers termes introduits par les
nonlinéarités.
La principale cause de nonlinéarité dans un accélérateur d’électrons provient de l’introduction
des hexapôles. Regardons succinctement les effets qu’ils induisent. Pour cela, décrivons brièvement
le principe de correction de la chromaticité : lorsqu’un hexapôle n’est pas traversé en son centre,
une composante quadripolaire apparaît et peut être judicieusement utilisée pour corriger la
chromaticité. Les équations du mouvement pour un hexapôle de force s’écrivent (cf.
Eq. 1.53 et Eq. 1.54) :
![]() | (1.77) |
Pour un hexapôle de longueur infinitésimale , on a alors :
![]() | (1.78) |
Pour la correction chromatique, il est nécessaire de pouvoir distinguer les trajectoires correspondant aux différentes énergies : on se place donc dans une région dispersive9. En utilisant les équations 1.72 et 1.78, il advient :
![]() | (1.79) |
Il peut être démontré simplement qu’un défaut de gradient intégré localisé en
introduit le glissement des nombres d’ondes (voir par exemple Lee, 1998) :
![]() | (1.80) |
formule qui se généralise pour une distribution de défauts à l’intégrale sur la circonférence de
l’accélérateur :
![]() | (1.81) |
Si l’on ne considère que la partie quadripolaire de l’équation 1.79, le défaut local de
focalisation apparaît. En utilisant alors la définition de la chromaticité 1.74 et
l’équation 1.81, on déduit immédiatement que la participation à la chromaticité des hexapôles
s’écrit :
![]() | (1.82) |
En principe, deux familles hexapolaires de force intégrée et
suffisent pour compenser les
deux chromaticités ; les forces doivent alors satisfaire pour chaque maille d’une machine
N-périodique :
![]() | (1.83) |
en supposant que les deux hexapôles sont localisés respectivement en et
.
Les hexapôles (parfaits) introduisent deux sortes d’effets indésirables (cf. Eq. 1.79) :
Ces termes d’aberration sont généralement corrigés partiellement en introduisant de nouvelles familles d’hexapôles dans la maille de la machine.
Dans un accélérateur circulaire, la deuxième contribution aux nonlinéarités provient des défauts magnétiques des aimants (déplacements, rotations d’un élément, champs de fuite, composantes multipolaires). Ces défauts sont systématiques ou aléatoires et inhérents à l’accélérateur. Nous verrons au cours des chapitres suivants qu’une bonne connaissance des défauts quadripolaires permet déjà de bien modéliser la dynamique de l’accélérateur.
Les défauts magnétiques induisent des phénomènes résonants qui détériorent la stabilité et les performances de la machine.
La dynamique transverse est modélisée par un système à (2+1) degrés de liberté. La
condition de résonance est obtenue pour une combinaison linéaire entre les nombres
d’ondes transverses ,
et le nombre d’ondes longitudinale normalisé à
,
i.e. :
![]() | (1.84) |
Habituellement est appelé l’ordre de la résonance et correspond à l’ordre des polynômes
du développement du potentiel vecteur. Cependant, il est souvent plus judicieux de définir l’ordre
par l’entier
à partir de l’équation :
![]() | (1.85) |
où désigne la partie fractionnaire des nombres d’ondes. Cette définition, plus naturelle,
correspond à celle adoptée en Mécanique Céleste. Dans la suite, l’ordre des résonances défini avec
cette convention sera noté par
.
Pour une machine N-périodique, i.e. constituée de super-périodes, la condition de
résonance est plus stricte : la dynamique de la machine totale est alors la même que pour une seule
super-période avec pour fréquence longitudinale
.
![]() | (1.86) |
Plus un accélérateur a une périodicité élevée, plus la condition de résonance est sévère (cf. Fig. 1.6). Dans la suite, nous parlerons de résonances permises, systématiques ou de structure et de résonances interdites, sous-entendu par la périodicité.
|
Dans une théorie de perturbation simplement résonante du premier ordre, il peut être montré
que, pour des résonances sommes (), la différence des émittances
est conservée.
Pour des résonances différences (
), c’est la somme des émittances
qui est conservée
(voir par exemple : A General Treatment of Resonances in Accelerators, Guignard, 1978).
Dans le premier cas, il peut y avoir amplification mutuelle des amplitudes d’oscillation
(proportionnelles à la racine carrée de l’émittance), ce qui conduira à la divergence des
trajectoires des particules alors que pour des résonances différences, il ne peut y avoir que
transfert d’amplitudes d’oscillation entre les deux plans. Durant ma thèse, j’ai parfois
entendu dire que les résonances différences ne sont pas dangereuses pour la dynamique du
faisceau. En conséquence, les largeurs des résonances différences ne sont pas toujours
optimisées. Il est clair que ce résultat est celui d’une théorie de perturbation du premier
ordre et qu’il n’est valide qu’au voisinage d’une résonance unique. Proche d’un nœud de
résonances, les largeurs de résonances peuvent se recouvrir et la dynamique est toute
autre.
L’acceptance physique est par définition l’aire de la plus grande ellipse que l’accélérateur accepte (cf. Eq. 1.72) :
![]() | (1.87) |
et , la demi-ouverture physique et
la dispersion locale.
L’acceptance dynamique est définie comme la plus grande région de l’espace des phases (dimension 6) à l’intérieur de laquelle les trajectoires de particules sont bornées, ceci en ne considérant que la dynamique d’une particule isolée. Restreinte à l’espace transverse, on parle d’ouverture dynamique, restreinte à la dynamique longitudinale, d’acceptance en énergie ou RF.
La détermination des dimensions de l’ouverture dynamique est fondamentale mais non triviale.
Sa définition dépend du nombre de tours d’intégration des orbites. Par exemple Irwin (in Chao et
Tigner, pp. 87–91) donne comme nombre de tours optimum, vingt-cinq pour cent du temps
d’amortissement du faisceau, soit environ 1 000 tours pour des électrons. Cette limite est cependant
trop faible pour étudier finement la dynamique à long terme (estimation de la diffusion,
coefficients de Lyapunov), car les trajectoires des particules peuvent diverger aussi bien
au bout d’un très faible nombre de tours (diffusion rapide) que lentement (diffusion
d’Arnold) comme nous le verrons plus tard. La définition de l’ouverture dynamique dépend
aussi des phases auxquelles elle est tracée (généralement ), car les orbites se
déforment.
Un problème ouvert est actuellement la recherche d’un facteur de qualité pour l’optimisation de l’ouverture dynamique (voir Todesco, 1999).
De par les nonlinéarités, il n’existe pas de méthode analytique générale pour optimiser l’ouverture dynamique. Je présente ici le processus empirique d’optimisation d’une maille utilisé pour le Projet SOLEIL (Nghiem et al., 1997) ; c’est un processus en quatre étapes :
La première étape consiste à choisir un point de fonctionnement dans une région du diagramme des nombres d’ondes (cf. Fig. 1.6) où non seulement, une émittance faible peut être obtenue mais aussi où il y a un minimum de résonances systématiques. Il est en particulier primordial d’éviter la proximité (a) des résonances d’ordres entiers qui sont excitées par les erreurs d’orbite fermée ; (b) des résonances d’ordres demi-entiers qui sont excitées par les erreurs de gradients quadripolaires ; (c) des résonances sommes pour éviter l’amplification mutuelle des oscillations bétatrons horizontales et verticales ; (d) des résonances du troisième ordre qui sont introduites par les hexapôles. Ces critères permettent d’obtenir une ouverture dynamique peu sensible aux défauts magnétiques et à l’introduction des insertions.
La deuxième étape concerne l’optimisation des fonctions
bétatrons10 :
(a) la fonction doit être minimum dans les dipôles pour obtenir une faible émittance ; (b) la
création de hautes brillances issues des insertions contraint la fonction
; (c) le rapport
doit être minimum pour l’injection du faisceau ; de plus les fonctions bétatrons ne
doivent pas être trop grandes pour éviter d’avoir une sensibilité trop importante aux
erreurs magnétiques. Il est également souhaitable de conserver la symétrie la plus élevée
possible.
La troisième étape est le positionnement des hexapôles dans la maille. Les forces hexapolaires
doivent être les plus faibles possibles, car elles limitent l’ouverture dynamique. Les hexapôles sont
placés dans les régions à grande dispersion où les fonctions et
sont découplées
(Eq. 1.79).
La quatrième et dernière étape est dédiée à la correction de la chromaticité et l’optimisation de
l’ouverture dynamique proprement dit. Seule l’ouverture dynamique on momentum () est
optimisée. La minimisation des résonances hexapolaires d’ordre 3 est fondée sur une méthode
analytique du premier ordre (voir la thèse de Audy, 1989).