5.1.5 Matrice-réponse hexapôles éteints et onduleurs ouverts

5.1.5.1 Introduction

On dispose de 16  BPM, 16  correcteurs horizontaux et 16 correcteurs verticaux, donc la matrice-réponse non couplée a 16 × 16 + 16 × 16 = 512  éléments.

Pour générer les matrices-réponse, on allume successivement les correcteurs avec un courant de ± 1A  , soit approximativement θ2 = ±0.21  mrad pour un correcteur horizontal et θ2 = ±0.24  mrad pour un correcteur vertical7, et on mesure dans chaque BPM le déplacement de l’orbite fermée.

L’ajustement entre matrices expérimentale et modèle est réalisé en faisant varier les forces quadripolaires soit en familles (4), soit individuellement (32), les gains des correcteurs horizontaux (16) et verticaux (16), les gains des BPM horizontaux (16) et verticaux (16). Pour finir, dans les sections dispersives, le déplacement supplémentaire de l’orbite associé au glissement en énergie est pris en compte (parfois appelé facteur d’Amman [Amman, 1971]),

         (    )
ΔE--       θx-  -ηx-
 E   = −    2   αL
                   0
(5.9)

avec α le facteur d’allongement du premier ordre et L0   la circonférence de la machine.

En effet, la déviation θx
 2   produite par le correcteur dipolaire engendre — si la fonction dispersion ηx  est non nulle — une modification de la longueur ΔL  de l’orbite de la particule :

       θx
ΔL  =  --ηx,
       2
(5.10)

allongement équivalent à une modification de l’énergie de la particule :

ΔL      ΔE
----= α ----,
 L       E
(5.11)

ce qui ajoute 16 nouveaux paramètres8. Au total, l’ajustement est réalisé sur 84 (ou 112) paramètres.

Cependant, on ne peut pas faire varier de manière indépendante l’ensemble des gains des BPM et des correcteurs sous peine de dégénérescence. En effet, si tous les gains des BPM sont augmentés d’un même facteur alors que ceux des correcteurs sont diminués proportionnellement alors la matrice-réponse reste inchangée : la SVD donne deux valeurs propres nulles. Pour lever cette dégénérescence, il suffit de fixer par exemple le gain d’un correcteur horizontal et d’un correcteur vertical.

5.1.5.2 Conditions expérimentales

Pour l’optique de Super-ACO utilisée, le courant stocké était de I = 4.5   mA dans 24 paquets, en faisceau « plat » (σx,σy) ≈ (230,110 ) μm  , ceci avec les quatre familles d’hexapôles éteintes. Cette possibilité d’éteindre les hexapôles avec un faisceau circulant dans l’anneau est un avantage qui permettra de déterminer les défauts de gradients indépendamment de ceux induits par les hexapôles lorsqu’il existe une orbite résiduelle x0   en leur centre (cf. section 5.1.6).




Famille I(A)


Q1 222.84
Q2 402.50
Q3 379.78
Q4 216.24



TAB. 5.6: Courants mesurés dans les alimentations des quatre familles de quadripôles de Super-ACO — hexapôles éteints, onduleurs ouverts —

Le modèle utilisé est déduit des mesures de courant dans les quadripôles9 : c’est notre modèle de référence de Super-ACO (cf. Tab 5.6). Le point de fonctionnement théorique devient alors (νx, νy) = (4.758, 1.708 )  . Notons que par rapport au point de fonctionnement nominal, le courant dans Q4  ayant changé, les valeurs de la fonction dispersion théorique sont également légèrement modifiées. Les nombres d’ondes mesurés valent : (νx,νy)= (4.740 ±  0.003,1.7095  ) . L’incertitude sur νx  provient de la faible valeur du courant I (à l’oscilloscope au lieu d’un pic unique, on en observe plusieurs).

5.1.5.3 Dispersion mesurée dans les BPM

Les résultats sont résumés par la figure 5.4 et le tableau 5.7.

Régions non dispersives
valeur prédite : − 38  mm ; l’écart modèle/expérience est grand, en moyenne de 130%.
Régions dispersives
valeur prédite : + 1213  mm ; l’écart modèle/expérience est en moyenne de 5%.






BPM1 -64 BPM09 -108
BPM2 1271 BPM10 1319
BPM3 1267 BPM11 1259
BPM4 -84 BPM12 -96
BPM5 -100 BPM13 -64
BPM6 1271 BPM14 1259
BPM7 1295 BPM15 1247
BPM8 -112 BPM16 -64





TAB. 5.7: Dispersion horizontale (mm) mesurée dans les BPM de Super-ACO (précision à ±5 mm) — hexapôles éteints et onduleurs ouverts — Les écarts relatifs sont plus importants dans les régions non dispersives (BPM 1, 4, 5, 8, 9, 12, 13 et 16).


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FIG. 5.4: Ecart absolu des dispersions horizontales théorique et mesurée dans les 16 BPM de Super-ACO — hexapôles éteints, onduleurs ouverts —.


La principale raison de ces écarts est la création d’orbite fermée par les défauts de champs quadripolaires ΔK ∕K  (cf. sous-section 5.1.5.4) suivant la loi (Nadji, 1992).

                     ∘  ----   [                 ] 1
  (Δ ηx)rms              βx      ∑                  2
------------  =   -√------0----     βxi((Kl )iηxi)2                 (5.12)
(ΔK  ∕K )rms      2  2|sinπνx |   i
              ≈   20.4

En utilisant les résultats de la section suivante, la formule 5.12 donne comme écart moyen sur la dispersion Δηx =  23   mm rms alors que la valeur issue des mesures expérimentales est presque trois fois plus grande Δ ηx = 58   mm rms.

5.1.5.4 Résultats obtenus avec LOCO

Ajustement sur quatre familles : Avant l’ajustement, le désaccord entre les orbites mesurées et théoriques est supérieur en valeurs rms à 170 μm  horizontalement (H) et à 66 μm  verticalement (V).

Après un ajustement sur les quatre familles de quadripôle l’accord est de 38 μm  (réduction d’un facteur 5) et 20 μm  (réduction d’un facteur 3) respectivement dans les plans horizontal et vertical avec un   2
χ   de 2 080. En suivant les résultats énoncés précédemment, la valeur escomptée du χ2 devrait être idéalement au mieux 400 ± 30  , sachant qu’il y a (nd = 512  ) points de donnée et (np=82  ) paramètres indépendants ajustés. Le point de fonctionnement devient alors (ν,ν)= (4.741, 1.707 )
xy soit (Δ ν ,Δ ν ) = (− 0.018, − 0.001)
    x    y  , ce qui est en excellent accord avec la mesure expérimentale des nombres d’ondes. Les gradients des familles de quadripôles ont varié de moins de 0.15%  (cf. Tab. 5.8, Fig. 5.5). Il faut remarquer que les écarts relatifs obtenus pour les gradients sont tous négatifs : ceci ne peut pas être dû à un phénomène aléatoire.






Famille Avant Après




Q1 -1.46723 -1.46655
Q2 2.62043 2.61800
Q3 2.47834 2.47498
Q4 -1.42383 -1.42188





TAB. 5.8: Valeurs des gradients quadripolaires (m −1   ) en symétrie 4 avant et après l’ajustement de LOCO. Données utilisées pour ajuster le modèle linéaire de Super-ACO.

  

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FIG. 5.5: Ecart relatif (en %) par rapport aux valeurs nominales des gradients pour chaque famille quadripolaire de Super-ACO : ces valeurs sont relativement faibles.

Les nouvelles fonctions β  sont tracées sur la figure 5.6 ; le battement (Fig. 5.7) de la fonction βx est de 0.5%  autour de 1.7%  (traduit le glissement Δνx =  − 0.018  ) et celui de βy  est de 0.5% autour de 0  (Δνy = 0  ).

Les bruits et gains des BPM ainsi que ceux des correcteurs sont donnés par la figure 5.8. Les valeurs sont raisonnables ; en moyenne, on retrouve la bonne valeur de kick dipolaire vertical 2×θy≈0.48  . Par contre dans le plan horizontal, la valeur attendue 2 × θx ≈ 0.41  , n’est pas atteinte dans les régions dispersives. Cet écart est à corréler avec l’écart en dispersion donné par LOCO (cf. Fig. 5.4).


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FIG. 5.6: Fonctions β  avant (ligne) et après (étoile) l’ajustement en symétrie 4. L’expérience s’ajuste parfaitement sur la théorie, car les variations de gradients sont faibles, de l’ordre du pour mille.

 

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FIG. 5.7: Battement des fonctions β  en conservant la symétrie 4 de Super-ACO.


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FIG. 5.8: Gains et bruits des BPM et correcteurs de Super-ACO en symétrie 4. Pour un ajustement parfait, les bruits des BPM et correcteurs devraient être voisins de l’unité.


Ajustement sur les quadripôles individuels : Lorsque l’ajustement est réalisé sur les 32 gradients des quadripôles, la symétrie 4 de l’anneau est brisée. La convergence semble meilleure : 14 μm  et 11 μm  , horizontalement et verticalement avec comme nombres d’ondes (νx, νy) = (4.739,  1.707)  et un   2
χ   de 460  . Les gradients des quadripôles ont varié de façon plus significative jusqu’à ±1.5%  (Fig. 5.9). Cependant, cette variation ne semble pas aléatoire comme l’on s’y attendrait ; bien au contraire, il semble que la variation sur un quadripôle est rattrapée immédiatement sur le quadripôle suivant. Néanmoins, les variations en moyenne pour chaque famille correspondent à celles trouvées en symétrie 4.


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FIG. 5.9: Ecart relatif (en %) des gradients par rapport aux valeurs nominales pour chacun des 32 quadripôles de Super-ACO. Ces écarts ne sont pas aléatoires : une variation importante du gradient est immédiatement rattrapée sur le quadripôle suivant (e.g. les quadripôles 4 et 5, 8 et 9, 20 et 21, 24 et 25, 27 et 29, 31 et 1).


Ces résultats sont assez surprenants. En effet, briser la symétrie 4 de l’anneau devrait simplement se traduire par une distribution aléatoire des gradients quadripolaires autour des valeurs trouvées précédemment pour chaque famille. En aucun cas, la justification de variation de l’ordre du pourcentage ne semble plausible, ce qui est bien au-delà des valeurs provenant des mesures magnétiques (Barthès et al., 1990, voir Fig. 3.22, p. §). De plus, une aussi faible valeur du   2
χ   suggère, ou bien que la machine est parfaitement connue, ou bien que le nombre de paramètres ajustés est trop important. La dernière hypothèse semble la plus raisonnable : nous essayons d’ajuster 32 valeurs de gradients en utilisant les mesures de 16 BPM à quatre électrodes. Les autres paramètres, les gains des correcteurs et des BPM et les facteurs d’Amman, peuvent être vus comme de poids secondaire dans l’ajustement. Le même type de problème est par exemple rencontré à l’ALS où il y a 104 gradients quadripolaires à ajuster sur 96 BPM (communication personnelle, C. Steier).

Nous voudrions connaître, parmi ces 104 paramètres, combien ont une influence réelle sur l’ajustement. La réponse à cette question est fournie par l’analyse du spectre des valeurs propres résultant de la décomposition en valeurs singulières. Sur la figure 5.10, les valeurs propres (λi  ) sont rangées par ordre décroissant de l’amplitude. On observe une décroissance rapide des amplitudes avec deux seuils : le premier en λ16   , le second en λ78   .


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FIG. 5.10: Spectre des valeurs singulières obtenu par la méthode SVD. Un seuil apparaît nettement pour λ16   . Au-delà, les valeurs singulières sont petites, du même ordre de grandeur ; elles correspondent à des paramètres n’ayant pas un poids significatif dans l’ajustement de la matrice-réponse de Super-ACO.


Ces résultats suggèrent de réaliser l’ajustement en rejetant tous les paramètres conduisant à des valeurs propres inférieures au seuil 1 ou 2. Il s’avère que ne rejeter que les valeurs propres plus petites que le seuil 2 n’améliore pas les résultats précédents. Comme attendu à la lecture du spectre, seul le seuil 1 est significatif10 : la convergence est maintenant de 29 μm  (H) et 13 μm  (V) avec comme nouveaux nombres d’ondes (νx,νy) = (4.741, 1.707 )  et un  2
χ   plus élevé de 1 050. La variation des gradients individuels est aléatoire et avec des amplitudes très voisines de celles obtenues pour les familles de quadripôles (Fig. 5.11).


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FIG. 5.11: Ecart relatif (en %) de chacun des gradients des 32 quadripôles de Super-ACO par rapport aux valeurs nominales. Les variations sont de l’ordre du pour mille.


La convergence est acceptable si l’on considère la valeur moyenne du bruit des BPM, sachant que de toute manière les mesures ne sont faites avec seulement deux chiffres significatifs, i.e. une bien faible résolution inhérente à Super-ACO.

A titre indicatif, la figure 5.12 illustre les variations relatives des gradients par rapport aux valeurs déduites de l’ajustement en familles.


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FIG. 5.12: Ecart relatif (en %) des gradients de chacun des 32 quadripôles de Super-ACO par rapport aux valeurs moyennes obtenues pour les familles. Les variations sont faibles et compatibles en amplitude avec les mesures magnétiques (Barthès et al., 1990).


Les nouvelles fonctions β  sont tracées sur la figure 5.13. et leurs battements sur la figure 5.14. Les battements, Δβ
β--  , sont plus importants horizontalement (± 2%  autour de 2%  ) que verticalement ±  1.5%  . Ils s’expriment en première approximation suivant la formule classique (Rice et Cornell in Chao et Tigner, 1998) :

Δ β (s)       1     ∑
-------=  ----------    (ΔKl  )iβ(si)cos(2πν − 2|Φ (s ) − Φ (si)|)
 β (s)    2 sin(2π ν)  i
(5.13)

(ΔKl)i  est le gradient intégré du i-ème quadripôle, Φ (si)  son avance de phase.

Soit avec une formule statistique (Nadji, 1992) :

                              ∘  --------------
(Δ-βx-∕βx)rms-     -√---1-------  ∑            2
(ΔK ∕K  )rms   =   2  2|sinπ νx|     (βxi(Kl)i)                 (5.14)
                                  i
              ≈   10.3
Soit en prenant les défauts de gradients donnés par LOCO : Δ βx = 2.3 %  , ce qui est en accord avec la figure 5.14.

On remarque que le battement des fonctions d’ondes est maximum pour un déphasage |Φ(s)−Φ (si)| = πν  soit pour un défaut dans un quadripôle situé de manière diamétralement opposée à la position s  du BPM où il est observé.

Enfin, LOCO réalisant un ajustement sur le glissement en énergie induit dans les régions dispersives, on peut en déduire les valeurs des dispersions dans les correcteurs, celles dans les BPM ont déjà été mesurées (cf. Eq. 5.9). L’ensemble des résultats en comparaison avec les dispersions déduites de l’ajustement est illustré par la figure 5.15 : l’accord est correct dans les BPM compte tenu des erreurs de mesure. Cependant, il faut noter des écarts dans les correcteurs entre la dispersion déduite du facteur d’Amman et celle donnée par le modèle ajusté. De plus, la dépendance en énergie de la matrice-réponse est traitée trop simplement dans le code LOCO (communication personnelle, H. Zyngier).

La figure 5.16 donne les nouveaux gains des BPM ainsi que le niveau de bruit de chaque BPM et correcteur et également la valeur ajustée du kick. On remarquera qu’à la convergence, le bruit rms du BPM i  rapporté au bruit total rms de tous les BPM n’est pas voisin de l’unité comme il devrait l’être théoriquement pour une convergence atteignant le niveau de bruit des BPM.

En conclusion, l’algorithme LOCO ajuste correctement les fonctions β  , les nombres d’ondes. Les défauts de gradients trouvés sont relativement faibles, ce qui suggère un assez bon accord entre la théorie et l’expérience.


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FIG. 5.13: Fonctions β  de Super-ACO avant (ligne) et après (étoile) l’ajustement en brisant la symétrie 4. L’expérience s’ajuste parfaitement sur la théorie, car les variations de gradients sont faibles, de l’ordre du pour mille.

 

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FIG. 5.14: Battement des fonctions β  en brisant la symétrie 4 de Super-ACO. Ces variations sont faibles.


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FIG. 5.15: Dispersion horizontale mesurée dans les BPM (carré), ajustée dans les correcteurs (croix) et prédite par LOCO (ligne). L’écart le plus significatif est dans les régions non dispersives de Super-ACO et peut être corrélé avec le facteur d’Amman.



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FIG. 5.16: Gains et bruits de BPM et correcteurs en brisant la symétrie 4 de Super-ACO — hexapôles éteints et onduleurs ouverts — Pour un ajustement parfait, les bruits des BPM et correcteurs devraient être voisins de l’unité.