1.3.1 Dynamique linéaire

Dans un accélérateur, la solution des équations transverses du mouvement peut se décomposer en deux termes, (a) l’orbite fermée qui, par définition, est une orbite de période 1 et (b) une oscillation de faible amplitude dite bétatron autour de cette orbite fermée. Nous verrons que l’orbite fermée dépend de l’énergie de la particule. Mais tout d’abord établissons les équations linéaires du mouvement.

Pour cela, nous partons de l’expression du Hamiltonien 1.36 que nous réécrivons en ne conservant que les parties linéaire et quadratique du potentiel vecteur 1.46, i.e. le potentiel d’un dipôle 1.51 et celui d’un quadripôle droit 1.53 :

              -p2x +-p2y            2     x2-     y2-
ℋ0  = (1 + hx)2(1 + δ) − hx δ + (h  + b2) 2 −  b2 2
(1.54)

Les équations du mouvement transverse sont alors :

{ dx   ∂ℋ-      dpx-    ∂ℋ-
  ds = ∂px,     ds = −  ∂x
  ddys = ∂∂ℋp-,    dpdxs = − ∂ℋ∂y-
         y
(1.55)

Pour l’instant, nous adoptons les approximations classiques afin de retrouver les expressions données par la littérature, à savoir :

  1. l’approximation des grandes machines en négligeant le terme hexapolaire     2  2
hx p2x(1++pyδ)   dans l’expression du Hamiltonien 1.54
  2. la dépendance linéaire en l’écart en énergie δ  .

Le Hamiltonien 1.54 devient en prenant en compte la première approximation classique :

        2    2                    2      2
ℋ0  = -px +-py − hx δ + (h2 + b2)x-− b2 y--
      2(1 + δ)                   2      2
(1.56)

Les équations du mouvement 1.55 s’écrivent comme :

(|  dx-=  px-,     dpx-= h δ − (h2 + b )x
{  dsdy    1p+δ     ddps               2
   ds-=  1y+δ,    -dxs = b2y
|(
(1.57)

Soit en termes d’équations différentielles du second ordre des variables x  et y  (en négligeant les termes d’ordre 2 en δ  ) :

(| d2x-+ K δx   = hδ + 𝒪 (h2),         {
{ ds22     x                             K δx(s) d´e=f Kx- = b2+h2
  ddys2-+ K δyy   = 0,             avec      δ    d´ef 1K+yδ    1+δb
|(                                      K y(s) =  1+δ = − 12+δ
(1.58)

Nous remarquerons les points suivants :

Dans la suite, j’emploierai les anglicismes : particule on momemtum si δ = 0  et particule off momemtum si δ ⁄= 0  . Le symbole ′ désigne la dérivation par rapport à la longitude s  et ′′ la dérivée seconde.

1.3.1.1 Particule on momentum

L’équation homogène du système  1.58 peut être réécrite pour δ =  0  comme l’équation générique :

{
  u′′(s) + Ku(s)u =  0
                            avec  u =  x,y
  Ku (s + L ) = Ku (s)
(1.59)

C’est donc une équation de Hill.

La solution générale u (s)  de l’équation de Hill 1.59 décrit le mouvement d’une particule d’énergie nominale de la machine, i.e. δ = 0  . Usuellement, la solution s’écrit de différentes manières dans la littérature :

– en utilisant le théorème de Floquet (voir par exemple Courant et Snyder, 1958), la solution s’exprime en fonction de la fonction bétatron βu(s)   :

               ∘ --------
u(s) = uβ(s) =   βu(s)εu cos(ϕu (s) + ϕ0u )
(1.60)

avec la phase         ∫
ϕu(s) =   s-d˜s-
         0 βu(˜s)   , ϕ0u  la phase à l’origine et βu  vérifiant l’équation différentielle :

 ′′
βu(s) + 2Ku (s)βu (s) − 2γu (s) = 0
(1.61)

en posant αu =  − 1β′u
        2  et         2
γu = 1+αu-
      βu   . Les paramètres αu  , βu  et γu  sont appelés fonctions ou paramètres de Twiss. L’avance de phase sur un tour complet ramenée à 2π  définit le nombre d’ondes νu   :

      1 ∮   d ˜s
νu = ---   ------
     2π    βu(˜s)
(1.62)

qui correspond au nombre moyen d’oscillations effectuées par la particule autour de l’orbite fermée.

L’invariant linéaire, aussi appelé invariant de Courant-Snyder ou encore émittance, est l’intégrale première du mouvement :

γ u2 + 2α uu ′ + β2 u′2 = ε
 u       u        u      u
(1.63)

Géométriquement, l’équation 1.63 est celle d’une ellipse d’aire π εu  dans le plan (u, u′)  (cf. Fig. 1.5).


PICT PICT

FIG. 1.5: Ellipse invariante dans l’espace des phases (u, u′ ). L’aire de l’ellipse est π εu   ; αu , βu  et γu  sont les fonctions de Twiss.


– en utilisant la paramétrisation de Courant-Snyder (1958) :

            ( √ ----      ) (                  ) ( √ ---       )
ℳ (s2|s1) =    -βα22uu   -01--      cosψ12  sinψ12      -βα11u   -01--
             − √ β2u-  √β2u    − sin ψ12  cosψ12    − √ β1u-  √β1u
(1.64)

ℳ(s2|s1)  est la matrice de transfert de la longitude s1   à s2   , ψ12   l’avance de phase entre s1   à s2 , βiu = βu(si)  . Sur un tour complet, l’expression 1.64 se simplifie pour donner l’application linéaire de premier retour :

ℳ   = ℐ  cosψ  + 𝒥  sinψ  ,  avec  ψ   = 2πν    et  u = x,y
       2     u     u     u           u       u
(1.65)

avec ℐ2   la matrice identité et

      (           )
𝒥   =    αu    βu
  u     − γu  − αu
(1.66)

– en utilisant les fonctions principales Cu (s)  et Su (s)  qui par définition sont deux solutions indépendantes de l’équation de Hill 1.59 vérifiant :

{
  Cu(0) = 1,  Su (0) = 0
   ′            ′
  Cu(0) = 0,  S u(0) = 1
(1.67)

La solution générale avec pour conditions initiales (u ,u′)
  0  0  peut alors s’écrire (Courant et Snyder, 1958) :

(     )    (             ) (   )
  u(′s)  =   Cu′(s)  Su′(s)    u0′
 u (s)      C u(s)  Su(s)    u0
(1.68)

1.3.1.2 Particule off momentum

Pour une particule n’ayant pas l’énergie nominale du faisceau, i.e. δ ⁄= 0  , l’équation 1.58 devient :

u”(s) + Ku (s)u (s) = h(s)δ    avec   u = x,y
(1.69)

Par convention, on appelle fonction dispersion la solution particulière ηu(s)  périodique pour δ=1 de l’équation 1.69. En utilisant les fonctions principales C  (s)
  u  et S  (s)
  u  , la dispersion linéaire est donnée par la formule (Lee, 1998) :

              ∫ s                     ∫ s
ηu (s ) = Su (s)  h (˜s)Cu(˜s)d ˜s − Cu (s)   h(˜s)Su(˜s)d ˜s
               0                       0
(1.70)

En utilisant la linéarité des équations, on en déduit que la solution complète peut s’exprimer par :

u(s) = ∘  --------
   εuβu(s) cos(ϕu(s) + ϕu0) + ηu(s)δ (1.71)
= uβ(s) + uδ(s) (1.72)
avec uβ(s)  la solution bétatron et u δ(s)  l’orbite fermée chromatique.

Similairement à l’optique géométrique où une lentille focalise plus faiblement les photons de petite longueur d’onde, i.e. de grande énergie, la focalisation d’un quadripôle est une fonction intrinsèquement dépendante de l’énergie (δ  ). Si Ku  est le gradient quadripolaire, alors on peut écrire (cf. Eq. 1.58) :

  δ    Ku                     2
K u = ----- = Ku (1 − δ + 𝒪 (δ ))
      1 + δ
(1.73)

Donc, les particules ayant une énergie supérieure à l’énergie nominale δ > 0  sont moins focalisées. Il s’ensuit que l’avance de phase dans un élément quadripolaire devient une fonction de l’énergie, ce qui nous conduit à définir la chromaticité comme la variation du nombre d’ondes, νu  , en fonction de l’énergie :

ξ =  ∂νu-
 u   ∂ δ
(1.74)

Suivant les cas, nous parlerons de chromaticité [globale] ou de chromaticité réduite, i.e. ramenée au nombre d’ondes ξrued=  ξνu
        u   . La contribution produite uniquement par les éléments linéaires, i.e. les dipôles et les quadripôles est appelée chromaticité naturelle. Elle est toujours négative et a des conséquences très dommageables sur la dynamique globale du faisceau si elle n’est pas corrigée. Par exemple pour SOLEIL, les chromaticités naturelles sont  nat
ξx   = − 3.01 × 18.28  et ξnaty=−2.66 × 8.38  , ce qui induit pour δ = 1  % les déplacements des nombres d’ondes proches du demi-entier (Δ νx,Δ νy) = (− 0.5,− 0.2)  . Ces glissements des nombres d’ondes peuvent amener le faisceau sur des lignes de résonance et conduire à des conséquences néfastes pour les performances de l’anneau.

La seconde raison nécessitant une correction de chromaticité provient des effets collectifs. Lorsqu’un paquet de particules circule dans l’accélérateur, les particules de tête laissent derrière elles un champ de sillage qui va être ressenti par les particules de queue du paquet et induire des instabilités. Au bout d’une demi-période synchrotron, les particules de tête deviennent les particules de queue et réciproquement. Ce type d’instabilité, dite head-tail, peut conduire à la perte du faisceau. Il peut être montré (voir par exemple Lee, 1998) que ces instabilités disparaissent à chromaticités nulles et sont plus néfastes pour des chromaticités négatives que positives.

Dans un anneau de stockage, la chromaticité doit être soit nulle soit légèrement positive. Pour la compenser, on introduit dans l’anneau des éléments nonlinéaires : les hexapôles8.