2.2.2 Application fréquence

Pour l’écriture de cette partie, je me suis inspiré des articles de J. Laskar décrivant de manière exhaustive la méthode d’Analyse en Fréquence (1992, 1993, 1994 et 1999).

Pour décrire la méthode d’Analyse en Fréquence, nous allons d’abord nous placer dans le cas général d’un système Hamiltonien autonome à n  degrés de liberté écrit sous la forme :

ℋ =  ℋ0 + εℋ1
(2.61)

ℋ0 représente la partie intégrable du mouvement et ℋ1   un terme de perturbation — dans le cadre de la dynamique d’un accélérateur, nous avons vu au cours du chapitre 1 (page §) que ℋ0 décrit le mouvement bétatron et ℋ1   décrit par exemple les défauts multipolaires —

Supposons qu’en l’absence de perturbation (ε = 0  ), le système puisse s’écrire en variables actions-angles (I,θ)  . Alors les équations du mouvement se réduisent à :

{ dθ    ∂ℋ                      {
  -dtk=  ∂I0k-= νk(I)               θk(t) = νk(I)t + θ0k
  dIk=  0               ⇒         Ik(t) = Ik0             avec k =  1,...,n
  dt
(2.62)

Les solutions 2.62 peuvent s’écrire sous forme complexe zk = I0kejθk   , soit :

z (t) = z  ejνkt,  avec   z  =  z (0 )  et  k = 1,...,n
 k      0k               0k    k
(2.63)

Les orbites 2.63 sont confinées sur des tores de dimensions n  , produits de cercles de rayons I0k parcourus aux fréquences ν(I0) = (ν1(I0),...,νn(I0))  (cf. Fig. 2.9 pour n = 2  ).


pict

FIG. 2.9: Espace des phases d’un système à deux degrés de liberté en coordonnées actions-angles (I ,I ,θ ,θ )
  1  2  1  2  . Les orbites (x
 i  ) sont confinées sur des tores de dimension 2.


S’il existe une bijection entre les actions et les fréquences, i.e. si la condition de non-dégénérescence suivante est vérifiée :

   (       )       (  2      )
det  ∂ν-(I)-  = det   ∂-ℋ0-(I)-  ⁄= 0
       ∂I              ∂I2
(2.64)

alors le mouvement peut être décrit de manière équivalente par les actions Ik  ou les fréquences νk  ; on définit alors l’application, F  , dite application fréquence :

F : (I1,...,In) ↦→ (ν1,...,νn )
(2.65)

Si de plus, on se place sur une surface d’énergie constante (ℋ0 (I ) = Σ  ), alors seulement (n−1)  actions sont indépendantes et l’application fréquence 2.65 devient (si par exemple, νn⁄=0 ) :

F : (I ,...,I    ) ↦→ (ν1,..., νn−1)
     1      n− 1     νn       νn
(2.66)

Le problème qui nous préoccupe est de savoir ce qu’il advient de ces orbites sous l’effet d’une perturbation faible. La réponse est fournie par le théorème KAM (Kolmogorov-Arnold-Moser, voir par exemple les références incluses in Laskar, 1999) : sous des conditions très générales, pour une perturbation suffisamment faible, la plupart des tores du système non perturbé (ℋ0   ) subsistent mais sont déformés. Ce sont les tores dont les vecteurs fréquences vérifient la condition dite diophantienne :

               -Cε--                         n
| < m, ν > | ≥ |m |τ,     τ > n   et  ∀ m  ∈ ℤ
(2.67)

Cε est une constante dépendant de ε  et de ℋ0    : ils sont appelés tores KAM. Les tores de ℋ0   pour lesquels <  m, ν >=  0  sont appelés tores résonants et sont détruits d’après le théorème KAM. Entre les tores KAM, les orbites sont en général chaotiques. Cependant, il est encore possible de construire une application fréquence (voir Laskar, 1999). Les solutions KAM peuvent alors s’exprimer sous la forme :

                  ∑
zk(t) = zk0ejνkt +    akmiejωmit,  mi  ∈ ℤn
                  mi
(2.68)

Les coefficients ωmi   sont combinaison linéaire de n  fréquences indépendantes appelées fréquences fondamentales du système, i.e. ωmi = < mi, ν >=  mi1ν1 + ...+  mn νin  .

La méthode d’Analyse en Fréquence repose sur la construction de l’application fréquence numérique, FT  , en recherchant une décomposition quasi-périodique d’une trajectoire sur un temps d’intégration fini T  et en utilisant une technique de Fourier raffinée (Laskar 1988, 1993 et 1999), i.e. sous la forme d’un nombre fini N  de termes :

                  N
           jνkt  ∑    k  j<mi,ν>t          n
zk(t) = zk0e   +     amie        ,  mi ∈  ℤ
                 i=1
(2.69)

où les coefficients akmi   sont ordonnés par amplitude décroissante14 et ν est le vecteur de fréquences fondamentales.

A énergie fixée, une trajectoire de l’espace des phases vit sur une surface d’énergie de dimension 2n − 1  . Habituellement, on observe le mouvement dans une surface de Poincaré, i.e. que l’on enregistre une trajectoire discrète en fixant un des angles θ
 k  , par exemple θn=0 modulo 2π  (cf. Fig. 2.10). Les fréquences fondamentales déduites du signal quasi-périodique 2.69 sont exprimées par rapport à la section de Poincaré, donc par exemple dans notre cas νn = 1  . Le mouvement est donc restreint sur un espace de dimension 2n − 2  .


pict

FIG. 2.10: Section de Poincaré (a) : à chaque tour de l’accélérateur, la trajectoire discrète de la particule est enregistrée dans le plan θ  = 0
 n  . (b) Espace des phases √---            √----
(xk=2Ik cosθk, pk =  2Ik sin θk)  au temps (i).


Pour l’Analyse en Fréquence, une condition plus stricte est adoptée : on fixe les n  angles θk=θ0k  . Dans ce cas, le mouvement est étudié dans un espace de dimension n − 1  . Il est caractérisé par la donnée de n − 1  actions.

En ne conservant que les fréquences fondamentales de la décomposition quasi-périodique (Eq. 2.69) obtenue après intégration sur un intervalle de temps [τ,τ + T ]  , on construit l’application fréquence numérique :

Fθ0T : × n1 −→n1
(τ,I1,,In1) ↦→(ν1,n1) (2.70)