Avant d’appliquer l’Analyse en Fréquence à l’étude de la dynamique des accélérateurs, deux applications simples vont être présentées succinctement. Le pendule mécanique qui modélise la dynamique au voisinage d’une résonance. Puis, l’application d’Hénon qui est une application nonlinéaire et me permettra d’introduire quelques notions supplémentaires sur l’étude de la dynamique des systèmes.
Le Hamiltonien d’un pendule rigide peut s’écrire sous la forme :
![]() | (2.71) |
où est l’angle de rotation du pendule et
sa dérivée temporelle. Le pendule est un système
dynamique à un degré de liberté complètement intégrable qui permet de modéliser la dynamique
au voisinage d’une résonance (voir par exemple, Chirikov, 1979). Son portrait de phase
est
tracé pour différentes valeurs de l’énergie (Fig. 2.12-a). Deux régimes peuvent être mis en
évidence :
![]() | (2.72) |
![]() | (2.73) |
Le pendule admet deux points fixes correspondant aux positions d’équilibre stable et instable :
l’origine est un point fixe elliptique et
est un point fixe
hyperbolique.
La courbe en fréquence est tracée pour
, i.e. passant par le point
hyperbolique et y admet une singularité logarithmique. La période de rotation (Eq. 2.73) est alors
(voir par exemple Tabor, 1988 p. 11 sqq. et Laskar, 1993) :
![]() | (2.74) |
avec , la fonction sinus elliptique de Jacobi :
![]() | (2.75) |
La courbe en fréquence calculée pour
est identiquement nulle pour
, car
la fréquence de circulation est nulle. Par contre au-delà, elle vaut
.
Ces deux courbes sont fondamentales, car elles décrivent le comportement de l’application
fréquence au voisinage d’une résonance (Laskar, 1993). La courbe décrit son comportement
lorsqu’un point hyperbolique est traversé (Fig. 2.12-b), la courbe
lorsqu’une île de
résonance est traversée (Fig. 2.12-c). Si l’on projette la courbe
sur l’axe des fréquences, pour
un échantillonnage uniforme en
, l’allure de la courbe en fréquence ne dépend pas du
choix de
dans le régime libration (cf. courbes 2.12-d et 2.12-e et propriété (1) p. §).
Par contre l’échantillonnage est plus fin au voisinage de île de libration qu’au voisinage
du point hyperbolique, car la variation de la fréquence est plus rapide (cf. singularité
logarithmique).
L’application d’Hénon (Hénon et Heiles, 1964 et Hénon, 1969) est la plus simple des applications non triviales symplectiques polynomiales à deux degrés de liberté (Bazzani et al., p. 77) :
![]() | (2.76) |
où et
sont des variables canoniques et
est le nombre de rotation. Elle dérive du
Hamiltonien dépendant explicitement du temps
:
![]() | (2.77) |
avec la fonction de Dirac
-périodisée.
Malgré sa simplicité, l’application d’Hénon contient une grande partie de la dynamique
nonlinéaire que nous rencontrerons dans les chapitres suivants. La partie quadratique du
Hamiltonien 2.77 modélise le mouvement bétatron perturbé par un hexapôle situé en (cf.
Wiedemann, Tome II ou Lee, 1998). Je ne l’introduis ici que pédagogiquement pour illustrer les
propriétés de l’application fréquence énoncées dans la section 2.2.3 et également pour discuter des
résonances induites par une perturbation de type hexapolaire (pour plus de détails, voir le travail de
Bazzani, Todesco, Turchetti et Servizi, 1994).
Dans ce cas, l’application fréquence est simplement définie par :
FT : ℝ | → ℝ | ||
q | ![]() | (2.78) |
Similairement au cas du pendule, lorsque traverse une île, on observe un plateau, et au
voisinage d’un point hyperbolique une discontinuité de l’application fréquence. L’application
d’Hénon est suffisamment simple pour pouvoir calculer analytiquement la variation de
avec
.
Pour cela, on écrit une forme normale de l’application d’Hénon au voisinage de l’origine qui est un
point fixe elliptique (voir Bazzani et al., 1994). Les largeurs de résonance peuvent aussi être
calculées et dépendent à la fois de
et de
. A l’origine, on retrouve la fréquence linéaire,
i.e.
.
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L’apparition de résonances de tout ordre sous l’action d’une perturbation, me permet d’introduire un résultat général sur la dynamique d’un système Hamiltonien. En effet, d’après le théorème KAM (cf. page §), nous avons vu que la majorité des trajectoires du système linéaire subsistent sous l’effet d’une faible perturbation15. Par contre, tous les tores résonants sont détruits. La condition de résonance pour deux degrés de liberté est :
![]() | (2.79) |
Ces orbites sont -périodiques. Quel est le destin des tores résonants sous l’action d’une
perturbation ? Le théorème des points fixes de Poincaré-Birkhoff (voir par exemple, Arnold et Avez,
1968) stipule que le cercle d’orbites périodiques de fréquence rationnelle
pour le système
non perturbé dégénère en nombre paire (
) points fixes :
points fixes elliptiques alternés
avec
point fixes hyperboliques. Dans chacune des îles, ce schéma peut être appliqué de
nouveau au voisinage des orbites elliptiques (cf. Fig. 2.13).
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La notion de « dangerosité » d’une résonance pour la dynamique est un problème à part
entière. Par exemple, les résonances et
conduisent toujours à des instabilités
quelque soit l’amplitude d’oscillation initiale
: l’ouverture dynamique est nulle ; pour
, la dynamique est toujours stable : l’ouverture dynamique est infinie. Pour toutes
les autres résonances, il existe une amplitude maximale non nulle (
) au-deçà de
laquelle le mouvement est stable. Au voisinage des points hyperboliques le mouvement est
chaotique mais borné. Par contre aux grandes amplitudes (
), les orbites résonantes
sont suffisamment excitées pour détruire toutes les trajectoires. La dernière trajectoire
fermée16
définit l’ouverture dynamique qui est fortement marquée par les résonances (cf. Fig. 2.14 et
Fig. 2.15).
Ces résultats me permettent de rappeler, qu’un 2n-pôles peut engendrer des résonances de tout
ordre. En effet, il est parfois affirmé, par exemple, que les hexapôles ne peuvent générer que des
résonances d’ordre un et trois. Cette idée fausse provient du fait que si l’on applique une théorie de
perturbation du premier ordre, seules des résonances d’ordre inférieur à apparaissent (voir par
exemple Hagedorn, 1957, Schoch, 1958 ou Guignard 1978) ; de plus, les calculs ne sont en
général pas faits aux ordres supérieurs (voir par exemple, Bazzani et al., 1994, Bengtsson,
1988).